De voyou, voleur à chanteur Eric Mc se raconte !

 

 

 

Hier encore star à tout casser, il est aujourd’hui controversé, et sa musique est en berne. Mais même amaigri, un lion demeure un lion, à ne jamais confondre avec un chien. Ce serait dangereux. Projecteurs sur la vie d’un artiste pas comme les autres et dont on n’a surement pas fini d’entendre parler.

 

 

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LE MUSICIEN REVOLUTIONNAIRE

 

Bonjour Eric MC. On ne vous sent plus beaucoup là!

Oui, je suis devenu plus calme. J’étais allé à la dérive. Étant artistes, nous avons participé à créer le ‘‘Collectif Y’en a marre’’ pour exposer nos revendications. Finalement, nous nous sommes immiscés dans cette histoire de 4ème mandat du chef de l’État. Je sais maintenant que nous ne devrions pas, mais je ne considère toujours pas que mon engagement politique fût une erreur, puisque je suis né avec la politique. Déjà dans les années 90, j’étais de ceux qui jetaient des cailloux aux forces de l’ordre. Mais la musique, c’est ma vie. J’ai marché à pied, 3 jours et 3 nuits, de la Côte d’Ivoire au Nigeria, au nom de la musique.

 

Il y a quelques années, vous étiez presque basé en Europe

J’y étais parce que je voulais une synchronisation de la culture et du hip hop togolais, faire valoir notre musique, rencontrer des gens pour avoir de l’expérience et surtout voir comment faire pour que l’artiste togolais puisse faire des concerts en Europe.

Là-bas, ce sont en général les associations d’immigrés qui cotisent pour faire venir les artistes et organiser des concerts. Mais les Togolais ne sont pas unis. Ils se regroupent en petites communautés, selon leurs ethnies. Par exemple, un Kotokoli de la diaspora ne veut pas assister à un spectacle de son frère Mina ou Kabyè et vis versa. Alors que les autres, ils le font pour leurs pays, ils s’en foutent des histoires d’ethnies.

 

 

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Si maintenant je suis écarté du showbiz, c’est à cause du DG d’une radio de la place. Il a juré détruire ma carrière. Il est allé un peu partout en Afrique, au Sénégal et autre pour qu’on ne passe plus mes sons, depuis 2003. Comme moi, Omar B aussi a subi la censure. Mais lui, il a craqué.

 

 

 

Omar B a été censuré comment?
La censure, c’est quand tu sors un single et ceux qui se disent promoteurs se mettent d’accord pour ne pas produire ta chanson. Ils sont très solidaires. Moi j’ai eu un problème avec Zéphyr et je n’ai jamais compris pourquoi la TVT par exemple s’en est mêlée. Ils se disent faiseurs d’artistes. Non, l’artiste se fait lui-même. Il a tout au plus besoin d’aide. Le jour où j’ai entendu Omar B chanter ‘Ayadoudouanédjo’, j’ai compris que le gars lançait un message de détresse. Je suis allé le voir, mais il a préféré ne rien dire. En 2019, je l’ai vu marcher avec une canne, et c’est là qu’il me disait: m’hôtoukpé (j’ai reçu une balle). Rien n’allait.

 

Après son décès, les gens n’ont pas voulu dire la vérité, alors qu’ils connaissaient tous les circonstances de sa mort. Ils savaient que c’est la censure qui l’a détruit. Moi-même, j’ai failli passer par la même case, mais maintenant ça va. Lors de ma censure, j’ai fait des émissions un peu partout, j’ai même parlé à Sika’a pour dénoncer le phénomène. J’ai envoyé des lettres aux ministères, ambassades etc., mais rien.

 

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Donc la censure, c’est un fléau pour le chanteur togolais

Oui, rien n’est officiel mais on ne diffuse simplement plus vos chansons. Moi, on est allé jusqu’à dire que je suis un ennemi du régime, parce qu’ils m’ont demandé de battre campagne en 2005 et j’ai refusé. Mais vous étiez effectivement engagé politiquement dans Y’en a Marre par exemple.

Oui, et tous mes nouveaux singles ont étés refusés. Personne ne voulait les diffuser. Cela m’a révolté. Mais maintenant, je suis en paix avec moi-même et les médias. Je vais d’ailleurs faire une assise avec la presse le 1er septembre, à la sortie de mon livre.

En 2020, j’ai pu parler avec le chef de l’État. Aujourd’hui, on reçoit le Fonds d’aide à la Culture. Bientôt, ce sera le Milliard de la Culture qu’il a promis.

 

Vous êtes donc devenu ami du régime
Non, c’est juste une conciliation citoyenne. Nous sommes du même pays et on n’a pas besoin d’être en guerre, même si on dénonce ce qui ne va pas. Actuellement, j’ai bon espoir que musicalement, ça va aller bien. Politiquement aussi, ça ira en 2025.

 

Vous dénonciez les oppresseurs. Aujourd’hui, vous les soutenez

 

Non, je ne les supporte pas. Je fais partie de Bâtir. Bâtir est différent d’Unir et différent aussi de l’opposition qui est toujours défaillante.

C’est que l’opposition manque d’argent pour…
Non, ils ont le soutien de la diaspora.

 

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Donc vous n’avez plus rien à reprocher au régime?
Je lui reproche le manque d’assistance sociale. Qu’il amène le revenu universel social, c’est-à-dire l’allocation sociale pour les familles.

 

Si on vous dit de parler aux Togolais, que leur diriez-vous?
Je leur dirais que l’alternance, c’est pour bientôt.

 

Ah bon?! Et selon vous, c’est quand l’après-Faure?
Si en 2025, il brigue encore un mandat, nous sortirons dans la rue avec nos cheveux blancs. Aujourd’hui j’ai 55 ans, j’ai commencé ma révolution à 14 ans et je crois que je l’ai mise aussi dans la tête des Togolais.

 

ERIC MC PLUS JAMAIS LA POLITIQUE ?

Mais les mêmes Togolais disent que vous vous êtes allié au régime.
Je m’en fous de ce qui se dit. A cause de mon engagement, j’ai même dû me séparer de ma femme. On dit que j’ai accompagné le politique à travers BÂTIR. Mais moi, les questions que je me pose sont celles-ci: fin de mon parcours? Lassitude du combat? Gâchis de ma carrière professionnelle? La réponse que je trouve est que je me suis rapproché du pouvoir après l’avoir tant combattu. Oui, cela est un zigzag et une incohérence dans mon parcours. Trahison, acte de lâcheté ou dernière tentative pour donner une chance à mon pays et sa jeunesse?

 

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Et la conclusion que vous tirez de la politique?
Le bilan que je tire de l’action menée depuis des années est sombre. Pas d’authentique opposition politique, une jeunesse désarmée, écrasée par ses problèmes, des politiciens corrompus qui courent derrière leurs intérêts que sont caviar, champagne et avions spéciaux pour les rencontres. Mais pour la rue, il n’y a que bastonnades, gaz, arrestations et morts.

Moi je suis devenu la cible des activistes. Mes anciens amis de la révolution me considèrent comme un traître. Fanatiques assis derrière leurs écrans, ils vomissent des insanités, médisances, railleries et imbécillités. J’ai mené 40 ans de combat. Le chemin fut long et dangereux pour le pionnier du hip hop made in Togo que je suis. Mais où étaient ces censeurs d’aujourd’hui? Quel soutien m’ont-ils apporté? M’ont-ils nourri, soutenu dans ma traversée du désert quand j’étais en butte à toutes sortes de censures et de menaces? Quel développement aurait connu ma carrière si elle n’avait pas rencontré tous ces obstacles? Le rattrapage est impossible, je le sais. Le compte n’y sera jamais. Il y a eu trop de préjudices, de préjugés et de dégâts.

 

 

Mais il me reste la musique. Je suis musicien. Dès ses débuts, le hiphop togolais nous a conduits à la politique. La rencontre entre la colère du peuple de la rue et le hiphop était inévitable. Puisque la misère côtoyait la richesse insolente, la jeunesse délaissée criait son envie de vivre. Que peux-tu faire toi, si la politique te tombe dessus? T’enfuir? Courir, partir t’exiler, te réfugier ou djihadiser? Pour moi aujourd’hui, la musique continue sans politique. J’y reviens avec une image abîmée par la politique. Fort ou faible de mes expériences passées, je prends un autre chemin. Mais ma musique sera fidèle à mes idéaux que sont liberté, justice, égalité, respect de la femme, environnement. Je me suis trompé et j’ai été trompé. J’ai parfois été une marionnette dans le jeu des politiques. Un artiste n’est pas un homme politique. Il ne tire sa force que de sa création et du rapport avec son public.

 

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ERIC MC L’ENFANT TERRIBLE DEVENU L’AMI DE FAURE?

Accepteriez-vous devenir ministre de la Culture?
Non, je n’ai pas fait les grandes universités comme vous. J’ai fait l’université de la rue. Je n’ai pas des diplômes. J’ai commencé la rue quand j’avais 14 ans, car aller à l’école était un calvaire pour moi. J’étais en 6ème quand l’esprit de Hip Hop m’est tombé dessus. Du coup, quand mon papa me déposait à l’école, je fuyais.

 

Eric MC s’est arrêté en quelle classe?
Rien! Je suis juste autodidacte. Je suis enfant de riche, je ne manquais de rien. Mon papa était en quelque sorte l’ambassadeur du Togo en Côte d’Ivoire. Au petit déjeuner, nous prenions du fromage, du lait acheté en pharmacie, du pâté… Un jour, après m’avoir déposé à l’école, il m’a retrouvé dans la rue. Il a alors décidé de me ramener au Togo pour qu’on me fasse les cérémonies de Tôgbui zikpi parce qu’il ne me trouvait plus normal. Débarqué ici au Togo, j’ai continué le gangstérisme dans la rue à Assivito. Je faisais partie des jeunes qui volaient chocolats et chewing-gum au supermarché Goyi Score. J’ai même volé des maillots de bain. Malgré le banditisme, cahin-caha et clopin-clopant, j’ai pu continuer l’école jusqu’en 3ème. Mais l’accès à l’examen me fut refusé parce que je n’avais pas changé le prénom sur mon acte de naissance. Vous savez qu’il y avait eu cette histoire de «Noms authentiques». Donc adieu l’école! Mon banditisme a grandi, avec des looks bizarres. Mon papa décédé, on a dit à ma mère de venir me chercher, car j’avais atteint le sommet de la voyoucratie. Je fus ramené en Côte d’Ivoire. On m’a fait passer un examen d’entrée au lycée technique. J’ai réussi mais je n’ai pas réussi à finir l’année. L’école me soûlait. J’étais impoli envers les profs. Finalement, j’ai volé un jour l’argent de ma mère et je me suis enfui pour le Togo. C’est là que j’ai commencé ma révolution.

 

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Vous aviez atteint un apogée musicale. Maintenant, c’est le déclin?
Nonnnn! Depuis ma censure, j’ai fait sortir 4 chansons qu’on a refusées. Bientôt je vais vous convoquer pour un déjeuner de presse avant la sortie de mon livre et vous allez tout comprendre.

 

2015, vous étiez candidat à la présidence de la République. Bluff?

Non, je voulais réellement donner l’assistance sociale à toutes les femmes et aux jeunes.
De révolutionnaire hiphop, vous êtes devenu UNIR. Est-ce que…

Je ne suis pas d’Unir, je suis de Bâtir. Je n’ai même jamais eu des avantages d’Unir. Si j’ai approché quelqu’un d’UNIR, c’est peut-être parce que j’ai jugé que cette personne peut être un mécène et aider la musique, pas parce qu’elle est d’UNIR. La seule personne d’Unir que j’ai rencontrée, c’est elle-même qui est venue à moi, et c’est Faure Gnassingbé.

 

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De quoi avez-vous discuté?
De politique, de showbiz, de culture. Je lui ai dit ce que j’avais à dire. Je lui ai demandé de me regarder dans les yeux et me faire des promesses pour la musique togolaise. Je l’appelle ‘‘Mon nouvel ami’’.

Donc vous voulez que votre nouvel ami quitte le pouvoir?
L’excès de toute chose tue. Il faut que les Togolais sachent que l’alternance est au bout de leur nez.

ERIC MC L’AMANT

Ali Jezz, Alain Vierge, Gnaky Gnakana et beaucoup d’autres, fatigués par la souffrance, ils sont partis.

 

Pourquoi vous êtes toujours là? Vous n’avez pas trouvé le moyen de quitter le pays?
Non quand même!!! Je peux voyager quand je veux. J’ai des papiers italiens. Quand moi je mettais pied en Europe, ceux que vous avez cités là n’avaient jamais rêvé cela.

 

Etes-vous marié?
Je vivais en concubinage avec une Blanche suisse. Cela a duré 15 ans. Nous n’avons pas eu d’enfant. Elle est la propriétaire d’une grande société ici. On s’est séparé parce que mes cris et mes frasques lui créaient des problèmes. Alors j’ai pris mes bagages et je suis parti de la maison, malgré le luxe dans lequel j’y vivais. Il faut quand même dire que chaque jour, je prenais 100.000F dans la caisse de l’entreprise. Même si les 100.000 n’étaient pas finis, le jour suivant j’en prenais encore. S’il faut comptabiliser ce que j’ai pris à cette femme, c’est plusieurs millions.

 

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Elle était au courant?

Oui, elle me donnait par amour. Mais un jour, elle a vu une photo de moi avec des filles et une autre avec une fille en string à la plage. Cela aussi était à la base de notre séparation.

 

Quel rapport avez-vous avec elle maintenant?
J’ai honte de moi. Et elle, elle ne veut plus rien savoir de moi. Elle avait beaucoup fait. C’est elle qui a financé mes premières chansons.

A vous entendre parler, vous êtes toujours amoureux d’elle.
Je ne peux pas dire oui ou non. Mon désir maintenant, c’est pouvoir rembourser un jour ce que je lui dois. Mais je désire également avoir un enfant et elle ne peut pas m’en faire. Je veux voir et savoir comment on devient papa. Voir une femme au ventre plat, puis ce ventre va grossir jusqu’à donner un être humain venant de moi. J’ai tout fait dans la vie, sauf cette expérience.

 

 

Les réseaux sociaux disent que vous êtes devenu Zedman.
C’est ma manière de faire le buzz. Sachez seulement que ma carrière a 21 ans et je nourris actuellement la musique avec mon énergie. Moi-même je vis d’eau, de musique et de fumée.

Merci au BlackNigga.
C’est plutôt moi qui remercie encore une fois le magazine Sika’a.

 

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