Faure, Agbéyomé et Fabre…ensemble sur la TVT !

Il va être 20h. Je n’aime pas trop regarder la télévision nationale, elle m’ennuie. Mais avec le confinement, mes habitudes ont changé. Je tourne donc le bouton de mon poste, le jingle qui annonce le journal passe, passe et passe. Les premières images apparaissent et qu’est-ce que je vois ? Je n’en crois pas mes yeux !

 

 

Le président Faure Gnassingbé debout devant les caméras. A ses côtés, il y a le candidat du Saint-Esprit Agbéyomé, l’opposant le plus charismatique Jean-Pierre Fabre et un vieil homme en soutane, portant une calotte sur la tête ; c’est bien Monseigneur Kpodzro. Ah, il y a Nathaniel Olympio aussi, le monsieur très catégorique du Parti des Togolais. C’est à n’y rien comprendre. Pêle-mêle, je vois également madame Adjamagbo, Agboyibo, Apévon, Gerry Taama et d’autres leaders politiques.

 

Faure prend la parole, salue les Togolaises et Togolais. Il entame un long discours sur la crise du coronavirus. Il explique comment nous pouvons vaincre la maladie en restant à la maison, en nous lavant plusieurs fois les mains, en ne se serrant plus, en portant un cache-nez, en restant à au moins un mètre de l’autre etc.

 

 

Le journal télévisé est long, mais très intéressant. Les autres hommes politiques prennent aussi tour à tour la parole et chacun dit quelques mots sur ce que nous devons faire pour éviter de propager le Covid19. Je n’en crois pas mes oreilles !

 

Dès que le journal est fini, je sors en courant pour demander à mes voisins, si quelqu’un aussi a vu ce que je viens de voir, mais je ne trouve personne dehors ! Je m’aventure plus loin, il n’y a pas un seul oiseau. Tout le monde respecte le couvre-feu. Oui mais pourquoi je ne vois même pas les sôdja ? Le couvre-feu serait-il bien suivi à ce point ? Ne trouvant pas de réponse à ces questions, je n’ai d’autre choix que de rentrer chez moi et essayer de dormir, malgré ma grande émotion.

 

Il est 6h du matin, le jour s’est levé, et moi aussi. Je sors de la maison. Dans la rue, je vois que tout le monde porte un cache-nez. Mes voisins se tiennent tous à 3 mètres les uns des autres. Personne ne veut me serrer la main et tous éternuent dans le creux du coude. Ils sont devenus fous ou quoi ? Je vais dans le quartier voisin pour comparer. C’est la même scène qui m’accueille. C’est incroyable. Surréaliste ! Depuis quand le Togolais est si respectueux des consignes ?

 

 

Je cours jusqu’à Bè pour aller chez une dame qui a toujours refusé de faire ce que le gouvernement dit, juste parce qu’elle n’aime pas Faure. Je suis très surpris, car même elle a mis un masque et me prie de me tenir à deux mètres d’elle. Pour la pousser à parler, je lui dis quelques mots sur le président. Elle me répond en souriant que le jeune n’est pas si mal que cela, même s’il est en train de faire des mandats qu’il ne devrait faire en aucun cas.

Est-ce possible ? On dirait que le Togo a subitement changé. Les gens sont solidaires des autorités et les autorités sont solidaires des gens. En ce moment précis, j’ai pensé à l’épidémie de coronavirus et je ne peux pas me retenir de crier à tue-tête : « WOW, nous sommes sauvéééééés !!! Avec cette discipline et cette cohésion, la maladie est vaincue chez nous !!! ».

Mais mes os craquent et une grande douleur traverse mon corps. Qu’est-ce qu’il y a ? Seigneur, je viens de tomber de mon lit! Nonnnnn !!! Tout cela n’était qu’un rêve? Faure n’a pas rassemblé ses opposants autour de lui ? Les opposants ne se sont pas rassemblés autour de Faure ? Le coronavirus qui veut nous décimer n’a-t-il pas été assez grand ou assez fort pour pousser les acteurs politiques à s’unir et sauver nos vies?

 

 

Je me relève et me frotte les yeux. Mes idées deviennent plus claires et je me rends compte que l’arrestation d’Agbéyomé est toujours d’actualité, le frère de Nathaniel Olympio, Alberto Olympio est toujours recherché  par le procureur, l’immense opposant Fabre Jean-Pierre est toujours crédité d’un maigre 4% invraisemblable à l’élection présidentielle…

 

Rien n’a changé, je n’ai fait que rêver. Je n’ai fait que rêver, mais Dieu merci de m’avoir au moins permis de rêver… un si beau rêve.

 

 Sahé Sahéa (Magazine Sika’a)