Lettre De Farida À La Commission De Gayibor Chargé De Révision Du Programme D’histoire-Géographie Au Togo

 

 

 

Les enseignants du Togo savent très bien que Mlapa III n’a jamais signé un quelconque traité de protectorat avec Gustav Nachtigal et que même s’il l’avait fait, la colonisation du Togo ne peut légitiment pas démarrer avec un traité signé par le chef d’un village minuscule de moins de 2000 habitants. Si Mlapa 3 avait signé le protectorat sur son village Togoville (et d’ailleurs Togoville est en français et aucun royaume du Togo n’a jamais porté ce nom), pourquoi cela donne-t-il le droit aux allemands d’aller coloniser tous les autres royaumes du Togo ?

 

 

Nos enseignants savent donc que le contenu de ce cours est ARCHI-FAUX. Et pourtant ce cours est le fondement de l’histoire du Togo car avant ce fameux traité notre pays n’existait même pas. Alors si la création, la fondation de notre nation même est basée sur un mensonge et que pendant un siècle on nous fait avaler cette connerie sans que cela ne dérange personne, c’est que nous togolais avons de sérieux problèmes…

Ce cours d’histoire que tout enfant des le CE1 connait et mémorise durant tout son cursus est fondé sur un mensonge et nos profs en sont conscients mais ils continuent à nous enseigner cela d’années en années.

Vous savez que ce que vous enseignez est faux et vous le faites. C’est complètement inadmissible et lâche. C’est cela la malhonnêteté intellectuelle et nous devons le dénoncer. Il y a des enseignants qui vont jusqu’à punir les élèves trop curieux qui posent trop de questions car ne trouvant aucune logique dans le contenu de leurs cours. Et vous allez me dire que c’est parce qu’ils sont mal payés qu’ils nous imposent la bêtise comme cours ?

On me dira que ce sont les conséquences de la colonisation et de la dictature et que sais-je encore. Mais je pense que c’est parce que nous ne remettons pas le système en cause, nous nous complaisons dans la médiocrité et la fausseté que cette colonisation et cette dictature perdurent.
Si vous enseignants êtes capables de grever des semaines durant pour une augmentation de salaire de 10%, vous pouvez très bien vous battre aussi contre les mensonges qu’on vous pousse à enseigner dans nos écoles dans le but d’abrutir nos enfants.

J’ai une question à poser à tous les professeurs d’histoire d’Afrique. La deuxième guerre mondiale et la décolonisation sont des chapitres que nous étudions tous en histoire dans les pays francophones dits d’Afrique.

 

 

 

Comment se fait-il que vous nous donniez les chiffres des juifs, des français, des américains, des russes, des japonais tués durant la deuxième guerre mondiale mais ne mentionnez jamais les massacres des populations africaines par les puissances coloniales ? Pourquoi nos cours sur la décolonisation se limitent-ils à quelques discours des leaders des indépendances et de la négritude ? Pourquoi ne nous dit-on pas que plus 780,000 algériens, plus de 200,000 camerounais, plus de 100,000 malgaches ont été sommairement abattus par les colons français ?

 

Pourquoi n’avons-nous jamais entendu parlé de Toussaint Louverture, Felix Moumié, Barthelemy Boganda, Um Nyobe, Mahmoud Harbi Farah et tous ces autres héros assassinés pour avoir réclamé la liberté de leur peuple. En quoi l’assassinat de François Ferdinand dans l’attentat de Sarajevo que vous nous obligiez à mémoriser et à chanter tels des perroquets nous est-il plus bénéfique ?

 

Vous me direz que ces informations ne figuraient pas au programme mais laissez-moi vous dire qu’être enseignant dans des nations dominées comme les nôtres vous oblige moralement à former une jeunesse érudite, consciente de son histoire. Vous nous avez trahit chers profs d’histoire. Malgré vos conditions de travail difficile, je suis convaincue que vous professeurs d’histoire africains avez lamentablement faillit à votre mission et aviez aidé les colons à nous abrutir.

 

Que tous les professeurs d’histoire, de lettres et de philosophie en Afrique comprennent que la formation qu’ils nous donnent est non seulement incomplète mais nuisible à notre affranchissement. Comment pouvons-nous nous battre quand vous nous faites célébrer nos ennemis ? Comment pouvons-nous nous libérer quand vous nous présentez nos bourreaux comme nos sauveurs ? Comment pouvez-vous en tant que professeur de philosophie au 21eme siècle être incapable de citer le nom d’un seul philosophe africain ? Il n’est pas ici question de moyen mais de volonté et d’amour pour son métier. Vous êtes les médecins de notre ame, de notre intellect et votre manque de dévotion pour votre métier nous faiblit et nous tue.

Prenez notre formation au sérieux car notre émancipation en dépend.

 

Farida Bemba Nabourema
Citoyenne Africaine Désabusée