[OPINION] Fête des Pères : « Neuf mois de congé paternité ont fait de moi un féministe radical »

 

« Avant, je n’étais pas particulièrement intéressé par le féminisme. Aujourd’hui, je n’attends qu’une chose: de pouvoir faire rayer la mention « homme » de mon état civil », explique ce jeune papa.

 

 

 

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PATERNITÉ – Quand j’annonce à un mec que j’ai pris neuf mois de congé parental, il me répond souvent “passe de bonnes vacances”. Mais vois-tu, cher ami, ce ne sont pas des vacances. C’est pourtant facile de s’en apercevoir: personne n’est jamais parti en vacances dans une crèche. S’occuper à temps plein d’un gosse, c’est un travail.

 
« Quand est-ce que vous allez comprendre que ce n’est pas de ce genre de questions que les parents voudraient qu’on leur pose », s’interroge ce jeune papa.

C’est même le travail le plus prenant que j’ai jamais eu. Non seulement il n’y a pas de pause-café, il n’y a pas non plus de pause-pipi, ni de week-ends. On doit être concentré en permanence comme un pilote de Formule 1, car c’est toujours au moment où on jette un œil aux notifications de son téléphone que bébé décide de mettre dans sa bouche le truc le plus crade à portée de main.

 

«Quand le highlight de ta journée c’est d’avoir fait les courses chez Aldi parce qu’il fallait faire deux machines avant et que la couche a débordé trois fois, on a pas vraiment le sentiment d’être un travailleur privilégié.»

En plus, toutes les tâches sont en permanence nouvelles sans qu’on ait reçu une quelconque formation. Aucun ministre de l’Éducation n’a jugé bon de nous coller un stage obligatoires en puériculture.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

Bien sûr, c’est un boulot plus gratifiant que de mettre des boîtes dans des cartons pour enrichir un milliardaire chauve. Mais quand le highlight de ta journée c’est d’avoir fait les courses chez Aldi parce qu’il fallait faire deux machines avant et que la couche a débordé trois fois, on a pas vraiment le sentiment d’être un travailleur privilégié.

 

Des débuts difficiles

Mon congé pat’ n’a pas commencé sous de bons auspices. Quand je l’ai annoncé à mon chef, patron d’une petite association qui clame haut et fort qu’il est “family friendly”, il m’a dit qu’il n’était vraiment pas content et que c’était très dommage pour la boîte. Et quand je lui ai dit que j’étais en galère de crèche et que je devrais peut-être prolonger mon congé, il m’a dit qu’il considérerait ça comme une démission (ce qui est totalement illégal, soit dit en passant).

Depuis, cette logique du “les enfants, c’est oui, mais à condition de ne pas déranger le petit train-train des messieurs” s’applique implacablement.

Mon bébé et moi sommes les bienvenus partout, à condition de rester dans les cages prévues à notre endroit. Jouer dans les aires de jeux, c’est oui. Ailleurs dans l’espace public, c’est non. Il ne faudrait pas que bébé abîme le pare-choc du SUV d’un de ces messieurs. Aller au restaurant, c’est oui. À condition que bébé ne quitte pas sa chaise haute et qu’il ne fasse pas trop de bruit. Un rendez-vous dans un cabinet qui n’est pas celui d’un pédiatre, c’est non. Voyager, c’est oui, à condition que personne ne se sente dérangé.

Spéciale dédicace au passage à ce contrôleur SNCF qui voulait me mettre une amende parce que mon bébé était posé sur la table du wagon bar. Monsieur ce n’est pas hygiénique il est obligatoire de s’asseoir sur les tabourets. Mais il ne sait pas s’asseoir ! Il est interdit de voyager sur les tables monsieur.

Le problème de la masculinité

Alors oui, il y a des exceptions, des restaurants avec aires de jeu et des trains avec des compartiments pour bébés. Mais les enfants et les personnes qui s’en occupent restent toujours relégués aux marges que les hommes daignent leur concéder.

 

 

«Mon bébé et moi sommes les bienvenus partout, à condition de rester dans les cages prévues à notre endroit.»

Si je décidais de continuer à m’occuper de mon enfant après mon congé parental, je deviendrais un “inactif”. Rarement un substantif a été plus violent – et plus faux. Inactif aux yeux de ces hommes qui veulent faire des enfants pour montrer aux autres hommes qu’ils ont une bite et qu’ils ne sont pas pédés, mais qui ne veulent surtout pas passer du temps avec eux.

Je ne sais pas encore si mon congé paternité m’a mis au ban de la masculinité. Par la force des choses, je ne socialise quasiment plus qu’avec d’autres mamans. Mais il m’a fait comprendre que si la société est impraticable pour les enfants et les personnes qui s’en occupent, ce n’est pas une question de matériel ou de moyens.

 
 
La révolution féministe occidentale n’a pas simplement participé à l’émancipation des femmes. En remettant en cause le système patriarcal et en renversant des normes établis, elle a aussi, selon moi, libéré les pères.
 

Le problème, c’est la masculinité en elle-même. Ce n’est évidemment pas nouveau. Isabelle de Parme, archiduchesse d’Autriche et lesbienne célèbre, écrivait déjà au 18e siècle que “les hommes, privés de sentiments, ne savent aimer qu’eux”.

Avant, je n’était pas particulièrement intéressé par le féminisme. J’essayais juste d’être un allié lambda. Aujourd’hui, je n’attends qu’une chose: de pouvoir faire rayer la mention “homme” de mon état civil.

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