Palais de justice de Lomé : Trois barons du régime arnaqués

 

 

 

 

 

 

Il s’est déroulé ce matin au palais de justice de Lomé un procès marathon (8h à 16h) qui illustre la manière dont notre pays est géré. L’affaire oppose un individu à trois grandes personnalités du pays dont je me garde de citer les noms.

 
 
 

Le premier est un ancien ambassadeur du Togo en Chine, un baron du RPT, aujourd’hui sage d’unir originaire plateaux ouest. Le second est un médecin, ancien directeur du CHU Campus, député Unir de la législature passée, et le troisième un éminent médecin.

 

Lors de la formation du dernier gouvernement, cet individu qui s’est fait passé pour un ami personnel de Faure Gnassingbé prend contact avec ces trois personnalités pour leur faire comprendre que le chef de l’Etat a pensé à eux pour le nouveau gouvernement.

 

 

 

 

 

 

Les trois personnalités sans aucune vérification, aucune enquête prennent au sérieux la démarche de cet individu dont ils ne connaissent même pas le visage. Ils envoient leurs CV à ce dernier qui engage avec de longues discussions sur les postes auxquels ils sont pressentis.

 

A l’ancien ambassadeur du Togo en Chine l’escroc lui fait savoir que le chef de l’État a promis de faire de lui un ministre. L’ambassadeur fait comprendre à son interlocuteur au bout du fil donc l’ami personnel de Faure Gnassingbé, qu’avec son long parcours au sein du système, son expérience, sa loyauté, qu’il se verrait bien au poste de premier ministre. L’escroc a répondu qu’il rendra fidèlement compte au Chef de l’État.

 

 

 

 

Au médecin, ancien Directeur du CHU Campus, ancien député sortant, l’escroc lui fait comprendre que le chef de l’État ne l’a pas du tout oublié et qu’il sera nommé Directeur de Cabinet au ministère de la santé.

Au troisième, un autre médecin de renom, l’escroc lui fait comprendre qu’il sera nommé ministre mais en vu de son CV impressionnant le poste à lui réservé relevé de la discrétion du Président de la République.
Le marché est alors conclu maintenant l’escroc fait comprendre à ces trois victimes qu’ils seront reçu à un grand dîner à la présidence et c’est lors de cette rencontre en présence d’autres préposés que leur décret sera signé. Et que selon les pratiques, les futurs ministres doivent participer aux frais de cette collation. Ils doivent acheter des cartons d’un champagne rare qu’on utilise à la présidence. 600 000 francs la bouteille.

L’ambassadeur qui connait bien ce champagne demande à l’escroc s’il peut lui même acheter et apporter ses cartons le jour de la collation. L’escroc lui fait comprendre que le Président de la République sera très mécontent. Le marché est donc conclu, les trois personnalités envoient par Flooz au total 54 millions à ce collaborateur fantôme du président de la République. Un a même dit à la barre aujourd’hui avoir vendu un terrain pour mettre les sous à la disposition.

 

 

 

 

Le jour indiqué pour la collation à la Présidence de la République, les trois futurs ministres, directeur de cabinet se mettent dans leurs meilleurs vestes et se pointent au portail de la présidence. Ils disent aux responsables de la sécurité présidentielle qu’ils sont invités par le maître des lieux pour un déjeuner. Après vérification on leur fait comprendre qu’il n’y aucun déjeuner à la présidence et le chef de l’État n’a pas de rendez-vous avec eux. Ils ont été prier de déguerpir. Ils se rendent compte de la grande supercherie.

Entre temps, 6 individus qui se faisaient passer pour des collaborateurs du président de la République mais qui étaient en fait des arnaqueurs ont été appréhendés par une unité spéciale de la police. Ayant appris cette nouvelle, les trois victimes se rendent au siège de cette unité pour non seulement se plaindre mais essayer d’identifier l’individu qui leur a joué le sale tour.

 

 

 

 

 

Un test de voix a été fait à ces six individus et les plaignants ont identifié l’un d’eux qui serait la personne qui leur parlait au téléphone. Le procès a donc eu lieu ce 12 avril 2021 au palais de justice de Lomé.

 

 

 

Les trois plaignants étaient présents et l’escroc aussi qui dit ne pas reconnaître les faits. Les questions du juge, du Procureur de la République, les réponses des plaignants, de grandes personnalités nous donnent une idée de la manière dont notre pays fonctionne. C’est inédit et incroyable. Il fallait être là pour vivre cette scène et surtout les réponses des barons qui tentaient de convaincre le juge que les pratiques de ce genre sont parfois nécessaires pour accéder à un poste ministériel au Togo.

Le délibéré est prévu pour le 17 mai 2021, mais il serait difficile que cet escroc si c’est vraiment lui puisse rembourser les 54 millions de francs CFA à ceux trois victimes.

 

 

 

Ferdinand Ayité