Que reste-t-il de la révolution ratée du 19 août, 3 ans après ?

 

 

On ne l’a pas vu venir. Le 19 août 2017, le Parti national panafricain (PNP), avec à sa tête Tikpi Salifou Atchadam, avait lancé une grande manifestation publique de protestation contre le régime de Faure Gnassingbé, qui a embrasé tout le pays. C’était donc le début des vagues de manifestation qui ont essuyé des répressions (avec mort d’hommes). Retour sur les grands moments des contestations et ce qui reste du 19 août 2017.

C’était presqu’un mouvement insurrectionnel lancé par Tikpi Atchadam ce 19 août 2017. A Lomé (la capitale) comme dans plusieurs autres grandes villes du pays et dans la diaspora, des gens sont descendus dans les rues, réclamant le retour à la Constitution de 1992 et le départ de Faure Gnassingbé. Ces manifestations, à Lomé comme ailleurs, ont été réprimées par les forces de l’ordre et des militaires. Il y avait eu des morts, des blessés et plusieurs personnes ont été arrêtées et gardées plusieurs jours dans des lieux de détentions. Certains y sont encore.

 

 

L’allure qu’ont pris les manifestations a obligé le principal instigateur, Tikpi Atchadam à faire appel à ses « aînés » de l’opposition, notamment le chef de file d’alors, Jean-Pierre Fabre à prendre les choses en main. « Le Parti national panafricain ne représente qu’une partie de l’opposition. Alors, tout en condamnant la barbarie du 19 août 2017, je demande solennellement et humblement à tous les partis de l’opposition de prendre une part active dans cette lutte. Je demande au nom du peuple togolais, au leader de l’opposition Monsieur Jean-Pierre Fabre de prendre les mesures nécessaires dans le sens de l’amplification du mouvement à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Grand-frère, l’heure de l’unicité d’action a sonné, le peuple togolais nous appelle, tu dois répondre et je sais que tu vas répondre… », avait lancé Tikpi Atchadam le 20 août 2017.

 

 

Commence alors une unicité d’action, avec la création de la Coalition des 14 partis de l’opposition qui a organisé plusieurs manifestations de contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé, drainant ainsi des centaines de milliers de personnes dans les rues de Lomé et de plusieurs autres villes du pays.

Le 6 septembre 2017, une grande manifestation à Lomé avait pour point de chute le carrefour de Deckon. Dans la soirée, les leaders de l’opposition avec Jean-Pierre Fabre à leur tête, avaient rendu public un communiqué dans lequel ils demandaient à Faure Gnassingbé de négocier en même temps son départ. Mais à 22 heures, une répression terrible s’était abattue sur le rassemblement, faisant des blessés. La répression avait continué le lendemain dans les quartiers de la capitale avec des arrestations.

 

 

Mais la mobilisation ne faiblit pas. Les rues de Lomé et d’autres villes du pays continuaient de connaître des mobilisations monstres. C’est ainsi que jusqu’à la fin de l’année 2017, de grandes manifestations ont été organisées pour demander le retour à la Constitution de 1992, le départ de Faure Gnassingbé et l’arrêt des « répressions sauvages » contre les populations togolaises.

 

 

Dans la foulée, l’assassinat du jeune Kokou Joseph Zoumekey dit « Jojo » le 18 octobre 2017 avait indigné tout le pays. Ce garçon d’à peine 13 ans, a été » fauché par une balle dans le quartier Bè-Kpota, pendant qu’il allait chercher de quoi manger à midi. Au début, les autorités togolaises niaient son décès par balle. Mais l’autopsie faite par Amnesty International a révélé finalement que « «Jojo» est mort d’une mort violente par arme à feu ». Il est à noter que d’autres enfants ont trouvé la mort dans cette lutte contre le régime au pouvoir.

 

 

La persistance de la contestation et son lot de manifestations de rue avec des blessés, des morts et des déplacés ont amené la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à désigner des facilitateurs, le président ghanéen Nana Akufo-Addo et celui de la Guinée, Alpha Condé. Le 31 juillet 2018, à l’issue d’un sommet à Lomé, les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont élaboré une feuille de route que devront suivre les protagonistes pour une sortie pacifique et durable de la crise politique togolaise. Malheureusement, les belles intentions ne sont restées que sur le papier. Ce document a souffert de son application.

 

Que reste-t-il aujourd’hui du 19 août 2017 ?

Quoiqu’on dise, le mérite revient au Parti national panafricain (PNP) d’avoir donné un autre visage à la lutte pour l’alternance au Togo. Dans tout le monde entier, l’aspiration des Togolais à sortir du joug du régime cinquantenaire s’est faite sentir. Le pouvoir de Faure Gnassingbé a été sérieusement ébranlé, même si aujourd’hui il semble avoir repris la main, avec des garde-fous qu’il essaie de mettre en place pour éviter un autre 19 août.

Seulement, les leaders de l’opposition n’ont pas su négocier ces moments de forte mobilisation. On a l’impression de n’avoir rien fait du tout. Même si les séquelles restent et montrent la fébrilité du régime Faure Gnassingbé, le retour à la Constitution, le vote de la diaspora, le départ de l’actuel chef de l’Etat, bref, l’alternance voulue par les Togolais n’a pas été effective. Le pouvoir, qui se sent toujours menacé, continue de prendre des dispositions pour se construire un tour d’ivoire pour devenir intouchable.

 

Le PNP est devenu une bête à abattre, pour n’avoir pas réussi à en finir avec le régime. Aujourd’hui 19 août 2020, les Togolais se rappellent le 19 août 2017. Ils comptent les morts, les blessés, les déplacés… La répression continue de s’abattre sur les populations, notamment celles de la partie septentrionale. L’élection présidentielle du 22 février 2020 a été que un fiasco avec une sérieuse crise au sein de l’opposition. Finalement, les revendications du peuple restent en entier.