Sérail : le médiateur Faure devrait-il s’occuper davantage de ses oignons au Togo ?

 

Peut-on s´improviser médiateur entre deux parties belligérantes parce que tout simplement on veut? Cet exercice qui nécessite beaucoup d´expérience et surtout beaucoup de sagesse, est-il à la portée de n´importe qui, fût-il président d´un pays? N´est-ce pas ce qui se passe aujourd´hui avec la prétendue médiation de Faure Gnassingbé au Mali, tout d´abord entre ce pays et la CEDEAO, et ensuite dans l´affaire dite des 49 ou 46 mercenaires ivoiriens ?

 

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D´ailleurs ce casse-tête chinois entre deux pays frères vient d´avoir une issue heureuse avec la libération par les autorités maliennes des 46 militaires ivoiriens. Du côté de l´Afrique et surtout du Togo où cette médiation de Faure Gnassingbé est plus que controversée, faut-il en rire ou en pleurer? Bien sûr il faut s´en réjouir, pas parce que le président togolais était de la danse, mais parce que c´est toujours une victoire quand des êtres humains retrouvent la liberté et leurs familles quel que soit ce qu´on leur reproche; même les plus grands criminels au monde ne recouvrent-ils pas un jour la liberté? Mais là n´est pas notre problème.

 
 

Indépendamment de l´issue heureuse de cet imbroglio opposant le Mali à la Côte-d´Ivoire, nous, en tant que Togolais, ayant sur le dos le drame politique qui est le nôtre depuis plus d´un demi-siècle, sommes en droit de nous poser ces questions: qu´est-ce qui fait donc courir Faure Gnassingbé, le président de fait du Togo depuis bientôt 18 ans? A-t-il fini de résoudre les nombreux problèmes politiques qui se posent à cause de sa catastrophique apparition au devant de la scène politique de notre pays? A-t-il réussi à réconcilier les Togolais, à laisser faire la démocratie? Un président de la république qui héberge encore chez lui plusieurs dizaines de prisonniers politiques, dont des citoyens de la diaspora et dont surtout une mère nourricière depuis plusieurs années sans jugement; un président qui est responsable du départ en exil de plusieurs leaders de l´opposition, dont un prélat de plus de 90 ans qui risque à tout moment de finir ses jours à l´étranger, peut-il se targuer de quelle expérience politique dans le domaine de la bonne gouvernance, dans le domaine du respect de ses adversaires politiques et surtout dans celui du respect des droits humains, pour prétendre donner des leçons d´humanisme et de sagesse à d´autres? Voilà quelques-unes des interrogations qui révoltent et mettent en colère beaucoup de Togolais au pays et dans la diaspora. Donner l´impression à l´étranger et faire semblant que sur le plan politique tout va bien au Togo est une insulte aux citoyens de ce petit pays martyrisé, quand tout le monde sait que les persécutions tous azimuts de tous ceux qui pensent autrement, l´impunité totale dont jouissent tortionnaires et tueurs pour le compte du régime Gnassingbé, la corruption endémique avec pour corolaire la misère ambiante, sont le lot quotidien des populations.

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Le drame togolais dont Faure Gnassingbé est le chef d´orchestre, aidé par tous ces faire-valoir au gouvernement et à l´assemblée monocolore, n´a-t-il pas un air de déjà-vu? Son père Éyadéma, ne s´est-il pas fait appeler «homme de la paix», parcourant le continent pour de prétendues médiations dans d´autres pays, alors qu´au Togo c´était l´enfer sur terre? Des camps de concentration pour torturer à mort des Togolais existaient ça et là: Agombio, Otadi… Ce qui était rumeurs au sein des populations ne devint-il pas clameurs dans la salle Fazao à l´hôtel du 2 février en juillet et août 1991 lors de la conférence nationale souveraine avec tous les détails et témoignages indignes d´une société des hommes? Aujourd´hui encore c´est le même film du mensonge, de la fuite en avant, surtout de la stratégie de la terreur et de la peur qui nous est déroulé.

 

À notre connaissance, le nigerian Goodkuck Jonathan serait le mandaté officiel de la CEDEAO dans le dossier malien; que cherche alors le président de fait de notre pays dans une affaire qui ne le concerne pas directement, surtout qu´il a chez lui un lot de problèmes et crises, créés par ses soins et qu´il n´arrive pas, faute de volonté politique, à résoudre? Et ceux qui l´acceptent et l´acceuillent comme médiateur chez eux ne savent-ils pas qu´ils sont de loin mieux lotis sur le plan politique que le Togo? Ne savent-ils pas que le drame politique togolais est plus profond et pernicieux? Le Mali ou le Burkina, par exemple, deux pays en voie de mener leur révolution, ont des armées normales; le Togo n´a qu´une milice tribale trop politisée dont le comportement rend plus crucial le caractère des problèmes politiques togolais, de telle sorte que tout peut arriver à tout moment.

 

 

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Si Faure Gnassingbé croit ainsi flouer l´opinion togolaise, ouest-africaine, voire africaine et la communauté internationale, dont l´hypocrisie est la chose la mieux partagée, hélas, en se présentant comme un dirigeant propre, alors qu´au Togo il maintient ses concitoyens sous un esclavage qui ne dit pas son nom, nous ne croyons pas qu´une telle intention de sa part de tricher pour rester éternellement au pouvoir, puisse l´amener un jour à sortir par la grande porte. Après sa médiation supposée et la libération des 46 militaires ivoiriens par le président malien, les Togolais attendent désormais que leur fraîchement auréolé «grand médiateur» de président libère tous les prisonniers politiques sans conditions, en commençant par son frère Kpatcha, fasse revenir tous les exilés politiques, avec un traitement particulier à Monseigneur Kpodzro; organise, en collaboration avec l´opposition, des assises nationales pour faire table-rase de tous les problèmes, réactualiser la constitution selon nos réalités pour que notre pays le Togo puisse repartir sur de nouvelles bases. Autrement les très nombreux critiques et sceptiques africains et togolais quant à la carrure de médiateur de Faure Gnassnigbé, dont nous faisons partie, ne risqueraient-ils pas d´avoir raison?

 

Samari Tchadjobo

Allemagne

Source : Icilome