Togo, Gabon, Tchad : héritiers de « dynasties » présidentielles

 

 

 
 

Jamais deux sans trois, dit l’adage. Avec l’accession de Déby fils à la Présidence du Tchad, l’Afrique compte aujourd’hui trois Présidents en exercice ayant hérité le pouvoir directement de leur père, à la manière des monarchies. Le mode opératoire est, à quelques exceptions près, généralement le même. À la mort du père, l’armée se réunit et impose le fils en violation flagrante de la Constitution. Par la suite, une parodie d’élection est organisée pour légitimer le nouveau dictateur en gestation.

 

 

 

 

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Le cas de l’homme fort du Togo, Faure Gnassingbé

Le plus ancien des fils de Présidents africains ayant succédé à leur père et qui soit encore au pouvoir actuellement en Afrique est le Togolais Faure Gnassingbé. Ce dernier a été bien préparé par son père à prendre sa succession, au terme de son long règne de 38 ans interrompu par la mort, le 5 février 2005. Revenu au Togo après l’obtention d’une licence en économie et gestion à l’Université Paris-Dauphine, et d’un MBA à l’Université George Washington, Faure Gnassingbé débuta sa carrière politique conformément aux vœux de son président de père au Parlement en tant que député élu du parti présidentiel, le Rassemblement du peuple togolais (RPT). Ensuite, il fait son entrée dans le gouvernement du Premier ministre Koffi Sama, le 29 juillet 2003, en tant que ministre des Travaux publics, des Mines et des Télécommunications, à l’âge de 37 ans.

 

 

 

 

 

 

En décembre 2002, Gnassingbé Eyadéma, sentant sa fin approcher en raison de son état de santé défaillant, et pas certain de pouvoir se représenter à la Présidentielle prévue pour 2003, fit réviser la Constitution togolaise pour la tailler à la mesure de son fils. En effet, entre autres points retouchés, il y a l’abaissement de l’âge minimal pour être présidentiable de 45 à 35 ans. Faure Gnassingbé avait alors 36 ans. Finalement, le vieil autocrate s’est non seulement présenté, mais remporta le scrutin à une majorité absolue de 52% des suffrages, comme à l’accoutumée. Mais, il ne finira pas ce mandat, puisque le 5 février 2005, la faucheuse le foudroya. Immédiatement, l’armée entra en scène et mit en œuvre le scénario préparé depuis longtemps : imposer Faure Gnassingbé à la tête de l’État.

 

 

 

 

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Puisque la Constitution togolaise prévoyait qu’en cas de vacance du pouvoir, l’intérim devait être assuré par le président de l’Assemblée nationale, le Parlement s’est réuni en hâte, le dimanche 6 février 2005, pour élire un nouveau président en la personne de Faure Gnassingbé, au grand dam du véritable président, Fambaré Ouattara Natchaba, alors en voyage et dont l’avion a été interdit d’atterrir à Lomé qu’il a tenté de rallier précipitamment.
Cependant, sous la pression internationale, Faure Gnassingbé dut opérer un repli tactique, renonçant au pouvoir le 25 février, jusqu’à l’élection du 24 avril qu’il remporta avec 60.6% des suffrages, en dépit des énormes irrégularités enregistrées. C’était parti pour un long règne qui continue avec sa nouvelle réélection contestée en février 2020 pour la 4e fois consécutive.

Une succession de Bongo en Bongo au Gabon

À quelques différences près, le scénario togolais a été reproduit au Gabon où, après un long règne de 42 ans, Bongo père passe le témoin à Bongo fils. À la mort d’Omar Bongo, le 8 juin 2009, un apparent respect des dispositions constitutionnelles prévues en cas de vacance du pouvoir a été observé, puisque l’intérim du président de la République a été assuré par la présidente du Sénat, Rose Francine Rogombé, de juin à octobre 2009, avant qu’Ali Bongo, élu au scrutin du 30 août, ne prenne les choses en mains. En réalité, de son vivant, Omar Bongo avait déjà destiné son fils à lui succéder. Ali Bongo a alors progressivement gravi les échelons dans la sphère politique, occupant le portefeuille stratégique de ministre des Affaires étrangères à seulement 30 ans, avant d’être fait ministre de la Défense de 1999 jusqu’à la mort de son père.

 

 

 

 

En dépit des nombreuses accusations de fraudes, son élection est validée en 2009. En 2016, il est réélu face à l’un des anciens barons de son père, Jean Ping. Les manifestations et émeutes qui ont agité le pays n’ont rien changé aux résultats. Diminué depuis l’accident vasculaire cérébral qui l’a frappé en 2018, Ali Bongo s’accroche toujours, pieds et mains, au pouvoir. D’ailleurs, le 7 janvier 2019, une tentative de coup d’État menée par un groupe de soldats conduits par le commandant adjoint de la Garde républicaine, le lieutenant Ondo Obiang Kelly, a été rapidement maîtrisée. Et depuis, Ali Bongo occupe toujours son fauteuil présidentiel, affaibli certes, mais toujours présent.

 

 

 

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Au Tchad, Déby fils succède à Déby père

Le dernier exemple d’héritier de Président est encore tout chaud, et continue de défrayer la chronique. Il s’agit du cas tchadien. Alors qu’il est entré dans sa 31e année de présidence sans discontinuer, Idriss Déby Itno est tombé au front, dans la nuit du lundi 19 au mardi 20 avril 2021. Très vite, comme ce fut le cas au Togo, l’armée prend les choses en mains, et impose le fils du dirigeant décédé. Jeune homme de moins de 40 ans, tout comme Faure Gnassingbé en 2005, Mahamat Idriss Déby Itno, général quatre étoiles du haut de ses 37 printemps, se voit propulsé chef de l’État, en violation flagrante de la Constitution de son pays.

 

L’opposition et les organismes de défense des droits de l’Homme au Tchad ont beau protester, tempêter, le chien aboie, la caravane passe. Moins en vue que son frère Zakaria Idriss Déby, qui semblait mieux positionné pour perpétuer la dynastie, Mahamat Idriss Déby reste tout de même déterminé à jouir des prérogatives de chef de l’État pendant la période de transition. Et après, que se passera-t-il ?

 

 

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