VIH : Johnson & Johnson arrête ses essais en Afrique pour trouver un vaccin

 

Il s’agit d’un programme d’essais, nommé Imbokodo, qui a démarré en 2017 dans cinq pays d’Afrique australe. Faute de résultats concluants, « l’essai Imbokodo ne continuera pas », a annoncé mardi 31 août le groupe pharmaceutique américain dans un communiqué.

 

 

C’est une grande déception dans la lutte contre cette maladie qui affecte 38 millions de personnes dans le monde, dont une grande partie sur le continent africain, et contre laquelle la recherche d’un vaccin se révèle infructueuse depuis des décennies. Le groupe Johnson & Johnson renonce à son programme Imbokodo.

 

► À Lire aussi :Coronavirus au Togo : dépistage systématique des élèves résidant dans les pays limitrophes

 

Ce programme d’essai est une collaboration entre le groupe pharmaceutique américain, la Fondation Bill et Melinda Gates ainsi que l’État sud-africain.

Pas moins de 2 600 jeunes femmes âgées de 18 à 35 ans du Malawi, Mozambique, Zambie, Afrique du Sud et Zimbabwe ont participé à cet essai clinique. La moitié d’entre elles ont reçu plusieurs injections de ce vaccin candidat ; l’autre moitié un placébo, c’est-à-dire un médicament sans principe actif.

 

Mais deux ans après la première injection, les résultats ne sont pas probants. « Même si le vaccin a été bien toléré, son efficacité n’est que de 25% », annonce J&J.

Ce vaccin candidat utilise la technologie du « vecteur viral », c’est-à-dire un virus courant modifié pour être rendu inoffensif et pour transporter des informations qui permettent au corps de combattre le virus visé. La même que celle employée par le groupe pharmaceutique pour son vaccin contre le Covid-19.

« Nous sommes déçus que ce vaccin candidat n’ait pas fourni un niveau suffisant de protection contre l’infection », a déclaré le directeur scientifique du groupe américain, Paul Stoffels, qui ajoute que cette étude donne des résultats scientifiques importants pour poursuivre la recherche d’un vaccin contre le VIH.

Le groupe confirme par ailleurs poursuivre un autre essai, nommé Mosaico. Celui-ci teste un vaccin, avec une composition différente, sur des hommes en Amérique et en Europe. Et dont l’essai devrait se conclure en mars 2024.

► À lire aussi : Covid : comment Faure Gnassingbé s’est vacciné en catimini !


■ « Le virus du VIH change quasiment toutes les heures dans le corps humain »

Entretien avec le professeur Glenda Gray, virologue et présidente du Conseil sud-africain de la recherche médicale, qui a participé aux essais.  

RFI : Êtes-vous déçue par l’arrêt de ces essais cliniques ?

Pr Glenda Gray : Bien sûr, nous sommes tous extrêmement déçus de ne pouvoir passer à l’étape suivante. Mais il est très important de poursuivre le travail, afin de pouvoir comprendre qui dans cette étude était protégé et qui ne l’était pas, quel était leur  profil immunitaire. C’est indispensable pour pouvoir continuer le travail sur un vaccin contre le VIH.

Cela veut dire que vous allez pouvoir utiliser ce qui a déjà été fait ?

Nous allons examiner les données dont nous disposons. Parce que le niveau d’efficacité de ce vaccin est bas, environ 25% ; nous allons étudier ce que nous appelons les variables : quelles sont les femmes qui ont été protégées contre le VIH et celles qui ne l’ont pas été. Et essayer de comprendre leur profil immunologique pour nous permettre de concevoir un vaccin plus efficace.

Donc même si J&J arrête ses essais, d’autres poursuivent le travail ?

Nous travaillons ensemble. Il s’agit d’un réseau de scientifiques locaux et internationaux qui travaillent sur un vaccin, avec des partenaires. J&J est un fabricant, qui fabrique le vaccin et en détient les droits de propriété. Mais il travaille avec des scientifiques du monde entier. C’est un travail d’équipe entre scientifiques, fabricants et donateurs privés et publics.

 

Donc la recherche d’un vaccin contre le VIH ne s’arrête pas ?

Non, absolument pas, et elle ne doit pas s’arrêter. Nous continuons d’enregistrer un taux d’infection élevé chez les femmes sur le continent africain. Il est aussi élevé que celui dans les années 90. Ce qui veut dire que nous ne pouvons pas baisser les bras et laisser tomber ces femmes. Depuis le début de l’épidémie, nous n’avons pas réussi à réduire les risques encourus par les femmes. Ce taux que nous enregistrons aujourd’hui en 2021 montre que nous ne faisons pas assez pour les aider.

Comment se fait-il qu’il soit plus difficile de trouver un vaccin contre le VIH que contre le Covid, pour lequel un vaccin a été mis sur pied en un temps record ?

Tout d’abord, de nombreuses personnes se remettent du coronavirus et donc vous pouvez étudier leur système immunitaire. Alors que personne n’a jamais guéri naturellement du VIH/sida. Et donc nous n’avons pas de bon modèle humain que nous pouvons étudier. Nous n’avons pas non plus de bon modèle animal qui pourrait nous aider à progresser dans la recherche.

Surtout, le virus du VIH se multiplie et se transforme très rapidement, beaucoup plus vite que le coronavirus. Le virus du VIH change quasiment toutes les heures dans le corps humain. Et possède la capacité de se camoufler en altérant sa structure génétique. Donc il est très difficile de trouver un vaccin contre le VIH, beaucoup plus difficile que pour n’importe quel autre virus.

 

 

RFI