L’acte de transfert de propriété du « trésor de Béhanzin », pillé en 1891 lors du sac des palais royaux d’Abomey par les troupes coloniales, doit être signé à l’Elysée mardi.
La France restitue solennellement au Bénin, mardi 9 novembre, 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey pillés au XIXe siècle par les troupes coloniales, un « moment historique de fierté nationale » pour les autorités béninoises. Le président français Emmanuel Macron recevra dans la matinée son homologue béninois Patrice Talon pour finaliser la restitution de ces 26 trésors conservés jusqu’ici au musée parisien du Quai-Branly, et qui rejoindront le Bénin dès mercredi.
Les ministres de la culture des deux pays, Roselyne Bachelot et Jean-Michel Abimbola, signeront l’acte de transfert de propriété de la France au Bénin, permettant aux œuvres de regagner définitivement leur pays après près de cent trente ans d’absence.
Cette cérémonie solennelle marque la dernière étape d’un processus inédit débuté avec la promesse faite en 2017 par M. Macron de procéder à des restitutions du patrimoine africain conservé en France. « C’est un moment historique de fierté nationale », a déclaré il y a quelques jours M. Abimbola à la télévision béninoise. « Certes, ce ne sont que 26 œuvres sur des milliers, mais nous démarrons quelque chose qui ne peut plus s’arrêter », a-t-il ajouté. « Nous avons amorcé la pompe et ne désespérons pas de récupérer d’autres œuvres » en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis notamment.
« Je peux mourir en paix »
Cette initiative est « un marqueur important pour la construction d’une nouvelle relation et d’un nouveau regard entre la France et le continent africain », s’est félicité de son côté l’Elysée.
Parmi les œuvres restituées figurent des statues totem de l’ancien royaume d’Abomey ainsi que le trône du roi Béhanzin, pillés lors de la mise à sac du palais d’Abomey par les troupes coloniales françaises en 1892.
Ces trésors repartiront à bord d’un avion avec Patrice Talon et leur arrivée sera célébrée mercredi à Cotonou, où ils sont attendus avec émotion. « Je frissonne à l’idée d’observer de plus près ces trésors royaux, notamment les trônes de nos ancêtres. C’est inimaginable, a ainsi confié à l’AFP à Cotonou Dah Adohouannon, un dignitaire et chef de collectivité. Du haut de mes 72 ans, je peux mourir en paix, une fois que je les aurais vus », a-t-il ajouté.
Les œuvres seront soumises à deux mois « d’acclimatation » aux nouvelles conditions de climat et d’hygrométrie, avant d’être exposés pendant trois mois à la présidence béninoise.
« C’est évident qu’il y aura de la bousculade parce que tout le monde voudra les voir très vite », prévoit une étudiante, Henriette Béhanzin, qui espère que les visites ne seront pas réservées aux privilégiés, « car ce sont des trésors à nous tous ».
Les trésors iront ensuite à l’ancien fort portugais de Ouidah et la maison du gouverneur, lieux historiques de l’esclavage et de la colonisation européenne, situés sur la côte, en attendant la construction d’un nouveau musée à Abomey.
90 % du patrimoine africain hors d’Afrique
Lors de son discours de Ouagadougou en novembre 2017, M. Macron s’était engagé à rendre possible dans un délai de cinq ans les restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en France. Sur la base d’un rapport remis par les universitaires sénégalais et française Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, il avait décidé de rendre ces 26 œuvres réclamées par les autorités du Bénin depuis plusieurs années.
Une loi d’exception votée en décembre 2020 a rendu possible ces restitutions au Bénin en dérogeant au principe d’« inaliénabilité » des œuvres dans les collections publiques, parce qu’elles avaient fait l’objet de pillages caractérisés.
Avant d’être restituées, les 26 œuvres ont été montrées ensemble une dernière fois au musée parisien du Quai-Branly, vue par « 15 000 personnes en sept jours ».
Selon des experts, 85 % à 90 % du patrimoine africain sont hors du continent. Depuis 2019, outre le Bénin, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie, le Tchad, le Mali et Madagascar ont soumis des demandes de restitutions, pour certains pays déjà formulées plusieurs fois.
Paris doit restituer prochainement à la Côte d’Ivoire le Djidji Ayokwe, célèbre tambour parleur des Ebrié, réclamé de longue date par Abidjan.
Les restitutions d’œuvre d’art pillées à l’Afrique sont un des points saillants de la « nouvelle relation » que le chef de l’Etat français entend nouer avec le continent.
Avec le Monde