Coronavirus : quelles répercussions pour les salariés ?

La pandémie du coronavirus menace gravement le monde entier et dans ce contexte de crise généralisé, les emplois sont menacés, puisque la plupart des secteurs d’activités tournent au ralentis surtout dans la restauration et l’hôtellerie. Chômage partiel par ci, congés techniques et télétravail par là, les employeurs prennent des mesures pour soit pour sauvegarder certains emplois soit maintenir leur activité avec un minimum de service. Toutefois, les salariés voient flous et ne savent plus vraiment à quel saint se vouer. Mais aux yeux de la loi, quelles sont les mesures à observer au regard des dispositions du code du travail et de la Convention Collective Interprofessionnelle du Togo ?

 

 

Nous vous proposons ici, un texte qui répond à toutes les questions que vous pouvez vous poser en ce temps de crise qui menace directement les emplois et l’économie en général. Par Ghislain Komlanvi AMENOUGLO de la Société d’Avocats SCP TOBLE & ASSOCIES.

 

 

Le contexte sanitaire international, lié à la pandémie du COVID-19, communément appelé « CORONA-VIRUS » prend des dimensions exponentielles. Le mal, autrefois considéré comme un « mal chinois », s’est exporté dans plusieurs pays du monde à la vitesse de la lumière. L’Afrique, épargnée au début de l’épidémie a « ouvert » ses portes à la pandémie. La psychose atteint les populations. Le VIRUS est à nos portes, s’il  ne circule pas encore dans nos rues.

Pour beaucoup de médecins virologues, il n’y a pas de raison que l’Afrique échappe à la pandémie. L’OMS appelle les africains à « se préparer au pire ».

 

Pour limiter la chaîne de propagation, les autorités gouvernementales devront prendre des mesures rigoureuses et exceptionnelles. Ainsi, les écoles, les bars, les boites de nuit, les supermarchés ferment. La plupart des pays, en guise de prévention ou de riposte, ont fermé leurs frontières. Les avions sont cloués au sol, les transports en communs et les marchés interdits jusqu’à nouvel ordre. Au Togo par exemple, les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits.

L’économie est en train de prendre un coup. Les emplois sont menacés. Les entreprises déjà touchées par les impacts de la situation commencent par prendre des mesures pour parer au plus pressé.

Près de 25 millions d’emplois sont menacés par la pandémie de Covid-19 selon une première estimation de l’Organisation internationale du travail (OIT) publiée ce mercredi 18 mars 2020.

Pour Guy Ryder, Directeur général de l’OIT « Il ne s’agit plus seulement d’une crise sanitaire mondiale, c’est aussi une crise grave en matière d’emplois ainsi qu’une crise économique majeure qui est en train d’avoir un impact considérable sur les populations ».

 

Dans quelques semaines, les entreprises auront des difficultés à s’approvisionner en matières premières. D’autres ne pourront plus écouler leurs produits. Les exportations et les importations seront quasiment impossibles. La mévente va s’installer. Les activités tourneront  au ralenti. La question de la réorganisation des activités va se poser. Les salariés et les employeurs vont se questionner sur leur avenir. La réduction des temps de travail, le chômage technique et au pire des cas les licenciements collectifs seront les solutions à ne pas écarter.

 

Dans ce contexte, peut-on se séparer momentanément des salariés en attendant le retour au calme? A quelles conditions ? Que prévoit notre législation ? Quelle piste pour juguler le fléau ?

 

D’emblée et à titre préventif, la première solution qui s’offre aux partenaires sociaux est la mise en congés des salariés qui devraient en bénéficier.

Aux termes de l’article 158 de la loi n°2006-10 du 13 décembre 2006 portant code du Travail, « sauf dispositions plus favorables des conventions collectives ou de contrat de travail individuel, le travailleur acquiert droit au congé payé, à la charge de l’employeur, à raison de deux jours et demi par mois de service effectif… ».

Mettre en congés payés les salariés qui ont des congés non jouis, donnerait une bouffée d’air aux entreprises dans l’attente du rétablissement normal du cours des activités économiques.

Mais cela peut ne pas suffire puisqu’à l’heure actuelle, l’horizon semble encore illisible. Il va falloir peut-être penser à mettre les salariés en chômage technique. De quoi s’agit-il ?

Aux termes de l’article 56 du code du travail applicable au Togo, « le chômage technique est défini comme la suspension de tout ou partie des activités d’une entreprise, suite à des difficultés économiques graves ou à des événements relevant de la force majeure, rendant économiquement et matériellement impossible le fonctionnement de l’entreprise ».

De cette définition, trois conditions s’imposent :

  • Des difficultés économiques graves (perte, faillite, mévente, absence de matières premières…);
  • Des événements relevant de la force majeure (calamités naturelles, COVID-19….);
  • Une impossibilité économique et matérielle de poursuivre les activités ;

Les deux premières conditions, prises séparément doivent forcément empêcher l’entreprise d’assurer son fonctionnement normal. Si malgré les difficultés économiques ou la force majeure, l’entreprise continue de tourner normalement, il serait impossible de recourir au chômage technique.

Il appartient à l’inspecteur du travail, saisi d’une demande de mise en chômage technique,  de se prononcer sur le bien-fondé de ladite mesure après investigation. C’est ce qui ressort de l’article 56 alinéa 3 du code du travail.

Aux termes de cet article, « l’Inspecteur du Travail et des lois sociales, saisi sans délai de toute mesure de mise en chômage technique, ou de son renouvellement, procède aux investigations d’usage et se prononce sur le bien-fondé de la mesure ».

Si l’avis de l’inspecteur est favorable, la décision de l’employeur devra indiquer la durée ainsi que les compensations salariales proposées au salarié (article 57 alinéa 1 du code du travail).

Il faut aussi souligner que pendant la période de chômage technique, le salarié a la possibilité de démissionner sans avoir de ce fait à observer un préavis ni à payer l’indemnité de rupture du contrat. (Article 57 alinéa 2).

Aucune indication n’est donnée par la loi sur les compensations salariales à accorder au salarié. Les délégués du personnel, s’ils en existent doivent alors jouer un rôle important à cet effet à travers un dialogue franc avec l’employeur.

Quant à la durée du chômage technique, il ne peut, tout renouvellement compris dépasser deux mois.

L’employeur a donc la possibilité de mettre les salariés au chômage technique pour une durée d’un mois renouvelable une fois ou pour deux mois. La seule limite, c’est qu’il ne peut pas excéder deux mois, peu importe le nombre de renouvellement.

Que se passerait-il si à l’issue des deux mois, Evènement ayant entraîné la mesure de chômage technique n’a pas disparu ? La question mérite d’être posée surtout dans le contexte sanitaire actuel où rien ne permet d’affirmer avec certitude que la pandémie sera jugulée d’ici là.

 

L’alinéa 3 de l’article 57 de notre code du travail offre une solution pour le moins limitée et trop drastique au goût de certains observateurs.

 

En effet, « au terme du chômage technique et en cas de non reprise des activités, l’employeur engage la procédure de licenciement pour motif économique ».

Mais tout ne s’arrête pas là. Le mal peut être maitrisé à l’avenir, les activités pourraient reprendre. Dans ce cas, quel serait le sort des salariés qui ont déjà été licenciés pour motif économique et qui ont déjà perçus leurs droits de licenciement ? Les employeurs auraient-il la facilité de recruter d’autres travailleurs à la reprise des activités ?

 

Ces questions semblent fondées. Le code du travail et la Convention Collective Interprofessionnelle du Togo ont prévu des solutions.

En effet, aux termes de l’article 75 alinéa 1 du code du travail « les travailleurs victimes d’un licenciement pour motif économique, bénéficient d’une priorité de réembauchage de six (06) mois à compter de la date de rupture de leur contrat ».

L’alinéa 2 du même article précise que « tous les salariés licenciés pour motif économique ont vocation à jouir de ce droit. Aucune distinction n’est faite, selon que le licenciement est individuel ou collectif, selon que le motif du licenciement est d’ordre conjoncturel ou structurel ». L’employeur n’a donc pas le choix. Il doit réembaucher en priorité tous les salariés qui avaient été licenciés du fait de la crise, sans exception, mais dans la limite des postes disponibles.

Le droit de ré-embauchage n’est pas illimité dans le temps. Le code du travail fixe un délai de six mois pendant lequel le salarié doit être appelé en priorité. Mais la Convention Collective Interprofessionnelle du Togo de décembre 2011 propose mieux. Elle porte la durée du droit de ré embauchage à plus d’un an selon les cas.

 

Aux termes de l’article 8, 7eme paragraphe de ladite convention « le travailleur congédié par suite de suppression d’emploi, conserve, pendant un an, une priorité d’embauche dans la même catégorie d’emploi ».

 

Le 8ème paragraphe du même article précise que « passé ce délai, il (le travailleur congédié par suite de suppression d’emploi) continue à bénéficier d’une nouvelle année sous réserve d’un nouvel essai professionnel ».

 

Au sens de cette disposition, le salarié victime de licenciement pour motif économique dispose d’un droit de réembauchage d’un an. Il disposera d’un renouvellement de ce droit de réembauchage, d’une année supplémentaire (soit deux ans au total), sous réserve d’être soumis à une nouvelle période d’essai professionnel.

 

Pour bénéficier des dispositions susvisées, les travailleurs intéressés devront, à leur licenciement, faire connaitre l’adresse de leur domicile, faire une demande de réembauche et répondre à l’offre qui pourrait leur être faite et se présenter dans les délais impartis par l’employeur (article 8 CCIT, dernier paragraphe).

Cette dernière disposition, si elle doit être respectée par l’employeur, n’est pas une obligation pour le salarié. Nous avions déjà précisé plus haut que le salarié en chômage technique peut démissionner sans formalité. A plus forte raison, celui qui est déjà licencié n’est pas obligé de revenir travailler. C’est une option qui lui est accordée. Il peut donc naturellement la refuser ou l’accepter.

Pour le moment, la crise n’est pas encore alarmante dans les pays d’Afrique subsaharienne, ce qui est rassurant. Mais cette relative quiétude ne saurait perdurer. Les premiers cas ont déjà été identifiés. Certains pays comme le Burkina Faso ont déjà enregistré leurs premiers décès. Face à nos systèmes de santé relativement exécrables, seule une attitude responsable et citoyenne permettra de réduire les risques de contamination et d’atténuer les impacts que la crise pourrait avoir sur nos économies.

 

C’est le lieu d’inviter les autorités gouvernementales à penser à la survie des entreprises, en les arrachant au risque de faillite, si la situation venait à s’envenimer. Le report de charges sociales et fiscales, l’allongement de la période de chômage technique, la suspension des factures d’eau, de gaz, d’électricité ainsi que les loyers, surtout pour les PME seront des mesures salutaires. Au-delà de ces mesures, les gouvernements doivent mettre en place un plan d’aide aux entreprises.

 

Aux employeurs, c’est le moment de renforcer les mesures de sécurité santé au travail afin d’éviter les risques de contamination massive sur les lieux de travail. La fourniture d’équipements de protection individuelle adaptés et de qualité serait d’un apport considérable. Le recours au télétravail permettra aussi d’éviter les contacts et de limiter les risques de contamination.

Aux salariés, le respect des mesures d’hygiène fixées par l’employeur à travers le règlement intérieur et les notes de service et des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) doit être d’une rigueur absolue. Si nous adoptons les bons comportements, nous mettrons fin à la chaîne de propagation et nous pourront reprendre nos activités au plus vite.

En définitive, au vu de l’histoire des pandémies qui ont touché l’humanité et se basant sur l’exemple de la chine qui n’a plus détecté de nouveaux cas de contamination depuis des jours à Wuhan, considéré comme le foyer du COVID-19, le confinement ne serait-il pas la meilleure solution ?

 

Kékéli Atakuy