Pour l’écrivain franco-algérien Mabrouck Rachedi, les couacs qui se sont multipliés dans les stades au Cameroun sont loin d’être l’apanage de la compétition continentale.
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La Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2021 se joue en 2022. Comme l’année de son édition, elle est sens dessus dessous. Les joueurs gabonais se sont mis en grève pour réclamer leurs primes. Après avoir lancé consécutivement trois mauvaises bandes-son, l’organisation a renoncé à mettre l’hymne mauritanien avant Mauritanie-Gambie.
L’arbitre a arrêté le match Tunisie-Mali par erreur à deux reprises avant le temps réglementaire et, dans la plus grande confusion, les Tunisiens ont refusé de reprendre le jeu. Un journaliste a posé des questions surréalistes sur la météo en Côte d’Ivoire au sélectionneur algérien Djamel Belmadi alors même que la CAN se déroule au Cameroun.
Les couacs se sont multipliés ces derniers jours dans les stades qui accueillent la compétition. Certaines émissions de débriefing, certains commentaires sur les réseaux sociaux ont ironisé sur le caractère typiquement africain de ces bévues.
Revenons quelques années en arrière. Lors de la Coupe du monde 2010, quand l’équipe de France se lance dans une grève grand-guignolesque à Knysna en Afrique du Sud, on critique les errements d’une génération pourrie gâtée. En 2019, quand l’hymne d’Andorre est joué à la place de celui de l’Albanie au Stade de France, il est question d’une erreur individuelle. En fin 2021, lorsque le tirage de la Ligue des champions doit être refait à cause d’un problème de boules, l’UEFA invoque un bug informatique.
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Faute, honte, ridicule, scandale…
Dans tous ces cas – et on pourrait en citer bien d’autres –, on parle certes de faute, de honte, de ridicule, de scandale… Mais jamais on ne rattache ces maux à tout un continent. Concernant la CAN, les responsabilités du Cameroun, de la Confédération africaine de football (CAF), en tant qu’organisateurs, sont diluées dans un ensemble plus grand qu’eux.
L’erreur est humaine, sauf en Afrique, où elle appartient à tous les Africains. Le champ lexical mâtiné de condescendance pour la qualifier renvoie à des stéréotypes indistincts. Fi de la diversité de l’Afrique. Fi même de ses divisions, comme celles entre Afrique subsaharienne et Maghreb mises en exergue après les propos contestés de l’ancien international camerounais Roger Milla. L’Afrique est homogène et synonyme de grand n’importe quoi.
Le folklore, l’exotisme européen ou américain n’existent pas. Les gaffes commises dans ces contrées relèvent d’individus. Ce sont des actes isolés. Ils ne sont pas révélateurs d’une mentalité, d’une culture. Ils peuvent certes être moqués mais ils ne sont pas ramassés en un tout réducteur. Si la France en a pris pour son grade (et une amende) quand l’hymne andorran a retenti à la place de l’albanais, personne n’y a vu un trait de caractère commun aux Européens.
L’Afrique, ce sont des clichés véhiculés de l’extérieur, par le reste du monde, et de l’intérieur. Les réseaux sociaux montrent que le même vocabulaire dévalorisant se retrouve chez certains Africains eux-mêmes. On ne reproduira pas ici les comparaisons et autres jeux de mots douteux qui ont foisonné. L’autodérision peut cacher de l’autodénigrement et l’intériorisation d’une norme de minoration.
Beaucoup mieux à faire
Depuis le début de la CAN, des commentateurs déclarent que le niveau de jeu est faible, que les matchs sont médiocres… Qu’est-ce que Mohamed Salah, Sadio Mané, Riyad Mahrez, Achraf Hakimi, etc. viennent faire dans cette galère ? Ne seraient-ils pas mieux dans leurs clubs respectifs ?
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Autant de questions qui font mine d’omettre que les équipes montent en puissance au fur et à mesure des matchs. Ce n’est pas l’équipe de France qui va dire le contraire, elle qui a arraché une victoire 2-1 face à la très modeste équipe d’Australie lors de la Coupe du monde 2018 qu’elle a fini par remporter.
Côté CAN, il y a de toute évidence beaucoup mieux à faire. La CAF, engluée dans ses problèmes internes, n’est que le syndrome de ses propres maux. Il ne revient pas à l’Afrique, aux Africains de les porter et de pâtir des caricatures qui vont avec.
Source : Le Monde Afrique