Les relations entre l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et l’archevêque émérite de Lomé sont tendues et orageuses. Les deux parties s’accusent mutuellement. Leurs démêlés pourraient se régler en justice.
La politique au Togo a ses caractéristiques particulières. Si l’opposition est dans son rôle en critiquant le pouvoir en place, encore faudrait-il qu’elle fasse des contre-propositions constructives pour l’enracinement de la démocratie et de l’Etat de droit, elle porte en elle même les germes de sa propre destruction. L’auto-destruction semble être leur marque déposée.
Veille de la présidentielle 2020
A quelques semaines de la tenue du premier tour de l’élection présidentielle, certains Togolais et associations de la société civile voire des partis politiques ont insisté sur la nécessité d’aller au scrutin avec un candidat unique de l’opposition, croyant, peut-être naïvement, que c’était la clé pour battre le chef de l’Etat sortant, Faure Gnassingbé qui sera d’ailleurs réélu avec plus de 70% des suffrages exprimés. Après les échecs successifs des initiatives de certaines bonnes volontés, l’ancien archevêque de Lomé a pris sur lui de choisir l’oiseau rare.
Dès lors, on parle du candidat de la Dynamique Kpodzro. Après plusieurs consultations, l’homme de Dieu a sorti de son chapeau magique (sic) le nom de l’ancien Premier ministre Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo, un sulfureux tribun traînant plusieurs casseroles derrière lui. Comment dans ce contexte faire avaler la couleuvre aux autres surtout que ces derniers détestent l’élu? La réponse à cette énigme permettra de comprendre la suite des faits.
Division
Serein de sa victoire au premier tour, Faure Gnassingbé était face à six (6) adversaires politiques. C’était donc en rangs dispersés que l’opposition a décidé d’aller affronter le porte flambeau de l’Union pour la République (UNIR). En clair, les cinq (5) autres candidats ne se reconnaissent pas dans le choix opéré par Philippe Fanoko Kpodzro.
Le scrutin s’est passé normalement. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a proclamé le président sortant vainqueur dès le premier tour.
La Cour constitutionnelle l’a entériné. Le président du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD), arrivé deuxième très loin du premier, conteste les résultats, s’auto-proclame vainqueur dès le premier tour tout en étant incapable d’apporter les preuves de sa victoire.
Timidement certains opposants le soutiennent. L’Alliance nationale pour le changement refuse de suivre la ” Dynamique “, justement parce que ne disposant pas matériellement les preuves sur la base desquelles se fonde la victoire supposée volée ou confisquée de l’ancien Président de l’Assemblée nationale.
Une position qui énerve et qui fâche
Discrètement, à travers des réseaux sociaux, des audios sont distillés dans l’opinion faisant croire que Jean-Pierre Fabre, président de l’ANC, ancien chef de file
de l’opposition, aurait pris des mallettes bourrées d’argent, raison pour laquelle il hésite à soutenir Agbéyomé Kodjo dans sa revendication de victoire ou ne le soutient guère quand le pouvoir tente de l’embastiller.
Me Isabelle Manavi Amégan, entre-temps, est montée au créneau pour fustiger les commanditaires et les auteurs de ces informations visant à discréditer l’ancien Secrétaire général de l’Union des forces de changement (UFC). Cette vice-présidente de l’ANC est allée jusqu’à dénoncer les comportements nuisibles de l’archevêque émérite de Lomé et des proches.
Saisine de la justice
Dans une correspondance adressée à Philippe Fanoko Kpodzro, le parti ANC regrette ce qu’il appelle ” insultes et affabulations “, précisant qu’en principe, il n’a jamais voulu répondre aux ” propos malveillants et calomnieux qui sont pourtant d’une extrême gravité ” par respect pour lui et son âge et pour l’église catholique.
Mais la ligne rouge étant franchie, l’heure semble être au règlement de comptes. ” Vous ne pouvez pas continuer d’abuser de votre position dans la haute hiérarchie de l’Eglise catholique et du statut d’autorité morale que cela vous confère, pour manipuler les populations en diffamant d’honnêtes citoyens qui ont sacrifié leurs vies à une cause que vous prétendez partager “, lui écrit l’ANC dans sa lettre dans laquelle il est d’ailleurs relevé que ” le président de l’ANC n’a jamais rencontré seul ni Gnassingbé Eyadéma ni Faure Gnassingbé en tête-à-tête, encore moins reçu le moindre centime d’eux ou du pouvoir en place “.
L’Alliance nationale pour le changement menace dans ledit courrier que si Philippe Fanoko Kpodzro ne produit pas les preuves de ses accusations de corruption contre M. Fabre, elle sera obligée de le traduire devant la hiérarchie de l’Eglise catholique ou devant les Tribunaux.
Ce championnat malodorant se poursuit même si l’ANC, dans un communiqué, exige la libération de M. Kodjo détenu à la Gendarmerie pour les causes d’une enquête judiciaire.
L’Eveil de la Nation No 675