Les errements de la Cour des Comptes du Togo

 

 

 

Créée par la Constitution du 14 octobre 1992, la Cour des Comptes a souffert avant d’être mise en place. Sa loi organique a été adoptée depuis 1998 et c’est seulement en 2009 que cette institution, chargée de contrôler le bon emploi et la bonne gestion des fonds publics, a été installée. Mais comme la volonté de bien faire les choses n’existe pas, elle fait face à plusieurs problèmes au point de se muer vers une Cour des « contes » qui raconte désormais des « histoires » économiques et financières.

 

 
 

Selon l’article 107 de la Constitution originelle, la Cour des comptes juge les comptes des comptables publics. Elle assure la vérification des comptes et de la gestion des établissements publics et des entreprises publiques. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances. Elle procède à toutes études de finances et comptabilité publique qui lui sont demandées par le Gouvernement ou par l’Assemblée nationale ou le Sénat. Son organisation et son fonctionnement ont été réglementés par la loi organique n° 98-014 du 10 juillet 1998.

 

 

 

 

Et c’est seulement en 2009 que les membres de cette institution ont été nommés et installés. « Je voudrais enfin vous exhorter à accompagner le Gouvernement dans les initiatives qu’il prend en vue de restaurer la transparence et les bonnes pratiques en matière de gestion des finances publiques. Aujourd’hui, vos efforts doivent s’orienter beaucoup plus vers la recherche de la fiabilité des données budgétaires nécessaires à la surveillance de notre politique budgétaire et à l’affermissement de la confiance entre nous et le peuple togolais et ensuite entre nous et nos principaux partenaires techniques et financiers. […] Votre expérience, votre intégrité, votre capacité de travail et votre dévouement constituent, en ce sens, des atouts pour la Cour des comptes », avait déclaré le ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Adji Otèth Ayassor, lors de la cérémonie solennelle d’installation le 24 septembre 2009.

 

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Des vœux pieux ! Le ver étant dans le fruit, il a été difficile pour la Cour des Comptes de prendre en même temps son envol. La présence en son sein des pontes du régime a affaibli l’institution que les Togolais avaient tant désirée. Son premier président, Takpandja Lalle, qui a exercé plusieurs fonctions ministérielles sous le Général Eyadema, était parti sur la pointe des pieds. Aucune explication officielle n’avait été donnée. Mais certains médias avaient parlé à l’époque de mauvaise gestion et de sa forte influence qui aurait conduit à l’abandon de certains contrôles.

 

 

 

 

 

 

24 mai 2013, « le ministre avec Eyadema » a été remplacé par Jean Koffi Edoh, un proche du chef de l’Etat qui faisait partie de l’équipe de 2009 pour un mandat de trois (03) ans renouvelable. En principe, cette nomination aurait dû être suivie d’une cérémonie d’installation et de prestation de serment du nouveau bureau. Mais cela n’a jamais été fait. De 2009 à 2020, M. Edoh et ses amis sont en train de savourer leur 4ème mandat de trois ans. Le comble, c’est que ces mandats n’ont jamais été officiellement renouvelés. Souffrant de légitimité et de crédibilité, ils ne peuvent pas mener efficacement leur mission de contrôle de la bonne gestion des fonds.

 

 

L’autre fait notable, c’est que certains membres sont sous le poids de l’âge et ont donc des soucis de santé qui induisent de longues périodes d’indisponibilité. Résultante, les réunions périodiques ne sont pas organisées et l’implication de certaines composantes de la Cour est restreinte. Ce constat est fait par l’institution elle-même dans son document de « Stratégie pour l’implication des parties prenantes » élaboré en 2009. De plus, des magistrats et assistants vérificateurs décédés et partis volontairement ne sont pas remplacés.

 

 

 

 

La Cour des Comptes fait également face à une déficience de ressources humaines et à une absence d’autonomie financière. Ce qui la limite dans ses prises d’initiatives. Selon le dernier alinéa de la Constitution, « La Cour des comptes établit un rapport annuel de ses activités et de celles des Cours régionales (une nouveauté du tripatouillage de mai 2019, NDLR), adressé au Président de la République, au Gouvernement et à l’Assemblée nationale et dans lequel elle fait état, s’il y a lieu, des infractions commises, des responsabilités encourues et de ses recommandations ». Mais depuis 2009, personne n’a vu les membres de la Cour remettre officiellement au chef de l’Etat et aux autres institutions de la République des rapports annuels ou lu ceux-ci sur son site Internet : www.courdescomptes .tg. Elle excelle juste dans la rédaction des « rapports sur l’exécution de la loi de finances et la déclaration générale de conformité ». On trouve sur le site tous les rapports de 2010 à 2018 en attendant celui de 2019 qui doit être probablement en cours de rédaction.

 

 

Mais dans les autres cas, on a affaire au néant ou aux rapports historiques pendant que la mauvaise gouvernance se poursuit. « Dans les trente (30) jours qui suivent le scrutin où l’élection a été acquise, les partis politiques, regroupements de partis politiques ou de candidats indépendants ayant pris part au scrutin déposent le compte de campagne accompagné des pièces justificatives des ressources et des dépenses effectuées auprès du président de la Cour des Comptes. La Cour des Comptes rend publics les comptes de campagne.

 

 

Après vérification des pièces, s’il est constaté un dépassement des dépenses de campagne, le président de la Cour des comptes adresse dans les quinze (15) jours un rapport au procureur de la république près le tribunal de première instance compétent qui engage des poursuites judiciaires contre le contrevenant ». Cependant, depuis 2009, le Togo a connu trois élections présidentielles et la Cour n’a rendu public aucun compte de campagne. Seuls les fonds de campagne pour les élections législatives de juillet 2013 ont été rendus publics à la veille de l’élection présidentielle de 2015.

 

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Le choix des dossiers à traiter, la lenteur administrative, la chose la mieux partagée au Togo, et la non collaboration des parties prenantes font que les rapports sont publiés plusieurs années plus tard. Par exemple, le rapport d’observations définitives de la mission de contrôle de la gestion de Togo Télécom, exercice 2007 n’a été rendu public qu’en 2015. Quant à celui sur le contrôle de la gestion de la Commune de Tsévié, exercices 2010, il n’a été finalisé qu’en septembre dernier, c’est-à-dire plusieurs mois après la fin des délégations spéciales. Les exemples sont légion.

Des faits qui, à juste titre, font dire à beaucoup de personnes que le Togo a plutôt une Cour des « Contes ». Une institution de plus pour entretenir le mirage de la bonne gouvernance quand le Togo était en course pour l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE). Comme la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) qui est créée pour séduire les Américains dans le cadre du Millennium Challenge Account. La volonté n’y est pas du tout.

 

 

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