La Conférence des Évêques du Togo (CET) dit craindre pour la vie de ses membres dans le pays car selon eux la situation d’insécurité qui prévaut dans le pays est si inquiétante que tout le monde s’en inquiète.
« Aucun Togolais, quels que soient son rang et le lieu où il se trouve, n’est vraiment en sécurité », se plaignent les Évêques au terme de leur 1244ème session ordinaire finie vendredi.
Ils listent un certain nombre de faits avant de donner l’alerte.
CXXIVème SESSION ORDINAIRE DE LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DU TOGO (CET)
COMMUNIQUE DE PRESSE
Conformément à son agenda, la Conférence des Evêques du Togo a tenu à son siège à Lomé, du 16 au 19 juin 2020, sa deuxième session ordinaire de l’année, consacrée essentiellement aux trois grands séminaires du Togo.
Empêché de participer physiquement à cette rencontre, en raison de la fermeture des frontières consécutive à la pandémie de la Covid-19, S.E. Mgr Brian UDAIGWE Nonce Apostolique au Bénin et au Togo depuis sept ans, nommé le 13 juin dernier par le Pape François à la Nonciature au Sri Lanka, s’est entretenu par visioconférence avec les Evêques, dès l’ouverture des travaux.
Le contexte.
Comme il fallait s’y attendre, les réflexions de la Conférence ont été dominées par la double crise que traverse notre Pays : celle du contentieux électoral provoqué par la gestion vivement contestée de l’élection présidentielle de février 2020, et celle de la pandémie du coronavirus qui a entraîné l’adoption, par les Gouvernements du monde entier, de diverses mesures de prévention, dont notamment la fermeture des lieux de culte et la suspension des activités scolaires, dispositions qui commencent à connaître un début d’assouplissement dans notre pays.
La pandémie de la Covid-19.
Au sujet de la crise sanitaire à laquelle le Togo, à l’instar des autres pays du monde, se trouve confronté, les Evêques exhortent les fidèles et tous les citoyens à observer rigoureusement les mesures de prévention préconisées, tout en plaidant en faveur de la réouverture progressive des lieux de culte dans le strict respect des dispositions préventives. Ils rendent grâce au Seigneur d’avoir jusqu’ici épargné à notre Pays les désastres effroyables redoutés. De même, ils remercient les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles laïcs pour leur gestion responsable de cette crise malgré la fermeture provisoire des lieux de culte. Ils exhortent le Gouvernement et les autorités sanitaires à poursuivre leurs efforts pour une maîtrise rapide de la pandémie. Enfin, les Evêques invitent chacun à continuer de prier pour que Dieu nous délivre de ce fléau, tout en posant des gestes de solidarité surtout à l’égard des couches sociales les plus affectées.
La situation des séminaires.
Abordant le thème principal de cette deuxième Session de l’année, les Evêques se sont penchés sur la situation des trois grands Séminaires qui, confrontés comme les autres établissements à la crise sanitaire de la Covid-19, ont dû suspendre la formation et renvoyer les séminaristes dans leurs diocèses respectifs. Néanmoins, un rapport détaillé des activités menées au cours des deux premiers trimestres ainsi que des propositions pour la clôture de l’année académique ont été présentés aux Evêques par les formateurs.
La situation sociopolitique.
A propos de la situation sociopolitique, les Evêques ont observé, à regret, qu’à l’image des autres élections qu’a connues notre Pays, celle de février 2020 a été marquée par de nombreuses irrégularités qui ont plongé le Togo dans un mouvement prévisible de contestations dès la proclamation des résultats. C’est le lieu de rappeler que, sans une sérieuse réforme du cadre électoral en vue d’élections libres, transparentes, crédibles et paisibles, la démocratie ne peut pas réellement fleurir au Togo. De même, tant que la vie sociopolitique sera dominée par l’armée, que les pouvoirs législatif et judiciaire ne seront pas réellement indépendants ; tant que la corruption et l’impunité continueront de prospérer sur la terre de nos aïeux, les tensions ne pourront pas réellement s’apaiser. Par ailleurs, tant que le mensonge sera utilisé en particulier dans les médias et sur les réseaux sociaux comme stratégie de déstabilisation des personnes et des institutions ; tant que la ruse sera employée comme moyen de conquête et de conservation de pouvoir ; enfin, tant que la violence ne sera pas condamnée et enrayée, les auteurs et les commanditaires sanctionnés, les remous politiques seront inévitables dans notre Pays.
Les violences et assassinats.
Les Evêques sont vivement préoccupés et inquiets du climat d’insécurité qui règne actuellement dans notre Pays, avec son cortège de morts, de veuves, d’orphelins et de misère. Les assassinats de ces derniers mois tirent la sonnette d’alarme sur la gravité de la situation. Aucune catégorie sociale ne semble être épargnée : depuis ce père de famille froidement abattu dans la nuit du 22 au 23 avril 2020 à Adakpamé, à deux pas de sa maison, jusqu’au Lieutenant-Colonel, Commandant de la Brigade d’Intervention Rapide (BIR), lâchement assassiné dans son bureau dans la nuit du 3 au 4 mai 2020, en passant par ce jeune laveur de voitures tué en plein jour, le 21 mai 2020, dans une rue de notre capitale à Avédji par des forces de sécurité et de défense, pour ne citer que ces derniers cas en date. Tous ces meurtres et autres formes de violences montrent qu’aucun Togolais, quels que soient son rang et le lieu où il se trouve, n’est vraiment en sécurité.
La situation est aggravée par le sentiment d’impunité dont bénéficient les auteurs de ces forfaits qui agissent parfois à visage découvert, et par des pressions psychologiques et morales parfois infligées aux parents et aux proches des victimes, ainsi que par des tentatives de corruption pour leur faire accepter l’inacceptable.
Les Evêques du Togo profondément indignés, dénoncent et condamnent avec la plus grande fermeté cette façon cynique et opaque de procéder en jouant avec ce que l’homme a de plus sacré : la vie. Ils appellent à la cessation immédiate et sans délai de ces crimes. Les Evêques demandent que les enquêtes diligentées aboutissent et que les auteurs et commanditaires soient arrêtés, jugés et punis conformément aux lois en vigueur. De tels crimes offensent gravement le Créateur et Maître de toute vie.
Les Evêques expriment leur proximité et leur compassion aux victimes de toutes les formes de violence et d’injustice. Ils présentent leurs sincères et priantes condoléances aux personnes et aux familles éplorées. Que, par la miséricorde de Dieu, les âmes de tous les fils et filles du Togo violemment arrachés à notre affection reposent en paix !
Invitation à la prière.
La Providence divine a voulu que la présente session de la Conférence des Evêques du Togo s’achève précisément le jour où l’Eglise universelle célèbre la solennité du Sacré Cœur de Jésus et invite à prier pour la sanctification des prêtres. Convaincus que la sainteté demeure le secret de la fécondité de toute vie chrétienne, non seulement celle du prêtre mais aussi de tous les fidèles, les Evêques invitent, en ce jour, à prier avec insistance pour les prêtres, afin qu’à l’exemple du Bon Pasteur, ils se donnent tout entiers au service du Peuple de Dieu. Ils les exhortent également à continuer de prier pour la paix au Togo.
Fait à Lomé, ce 19 juin 2020,
Le Secrétaire Général de la Conférence des Evêques du Togo.