Au Togo, les scandales se succèdent et se ressemblent. Malgré toutes les réprobations, rien ne change. Après la privatisation de plusieurs sociétés d’Etat sans résultat probant, le pouvoir de Faure Gnassingbé persiste dans la perversité et le désordre ambiant. A l’instar d’autres sociétés dont Togocom (fusion Togo Cellulaire-Togo Telecom), le gouvernement a cédé aussi la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT).
Le projet de loi portant autorisation d’ouverture du capital de la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) adopté le 23 juin 2020 et signé du Premier ministre Sélom Klassou est déjà sur la table de l’Assemblée Nationale juste pour la formalité. Il se rapporte que tout est déjà bouclé et la société cotonnière est cédée aux Indiens OLAM.
De la SOTOCO à la NSCT, l’omerta
La Société Togolaise des Cotons (SOTOCO) créée en 1974 a été pendant des décennies une des vaches laitières du régime Eyadèma et Faure Gnassingbé. Elle fonctionne comme une machine à sous au profit des barons et leurs familles qui se sucrent sur le dos des pauvres paysans. Sa gestion a toujours été sur la base du népotisme et du militantisme. En 2005, les camions de la SOTOCO ont servi à convoyer à Atakpamé et à Lomé les groupes de miliciens du Nord qui sont venus perpétrer des massacres sur les militants de l’opposition contre le hold-up électoral de Faure Gnassingbé. Après une gestion calamiteuse de plusieurs décennies, sans établir un quelconque bilan ou situer les responsabilités, la SOTOCO fut dissoute et remplacée par la NSCT en 2010.
Avec la nouvelle société, les méthodes de gestion n’ont pas changé. Une intime de la République, femme soi-disant d’affaires, en a fait sa chasse gardée. Elle décroche par des procédures obscures des contrats de livraison d’engrais à coup de milliards. Un véritable circuit de détournement et de pillage de cette boîte. En janvier 2019, un scandale de détournement de fonds a défrayé la chronique. Sur plainte du ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche Ouro-Koura Agadazi, sept personnes ont été arrêtées, quatre (04) à Atakpamé et trois (03) à Lomé. Il s’agit de Djagni Kokou Kougnagli, Conseiller à l’ITRA, ancien DG de la NSCT ; Aratem Silah, Directeur de l’audit interne ; N’DU N’Wabuezu Julian, commerçant ; Assoumatine Aissah Yao, Opérateur économique, Tena Tandji Djouma épouse Aharh, Directrice des affaires internes; Aharh Apeta Agbeanda Directeur des Affaires financières et Tchida Boziroh, Conseiller principal du Directeur Général. Des perquisitions ont été menées aux domiciles des prévenus et il est rapporté que chez l’un des cadres, il a été trouvé une forte somme en liquidité. Les prévenus avaient été déférés à la prison civile de Lomé. Par la suite, aucune lumière sur cette affaire. Des 35 ans de la SOTOCO (1974-2010) et les 10 ans (2010-2020) de la NSCT, malgré les scandales de détournements à répétition, aucun audit n’a été fait. Aujourd’hui, on annonce la privatisation d’une telle société dans cette confusion, rien que de la prime à l’impunité.
Togocom-NSCT, même procédure, même dégâts
Combien de fois n’a-t-on pas vanté les prouesses de la NSCT au sommet de l’Etat togolais ? Comment peut-on céder une société qui fait de bonnes recettes pour l’Etat ? Même s’il faut céder une société d’Etat, l’Exécutif a l’obligation de faire le bilan à travers un audit en bonne et due forme. Mais au Togo, c’est l’omerta. On fait comme on veut. Le chien aboie, la caravane passe.
Dans ce pays après les banques, le pouvoir de Faure Gnassingbé a décidé de privatiser Togocom dans une procédure opaque pour annoncer plus tard que les transactions ont rapporté 48. 257.744.904 FCFA à l’Etat togolais.
Et cela n’a été visible qu’à travers un projet de loi de finances rectificative le 13 décembre 2019. « En effet, le 22 novembre 2019, le gouvernement a décidé de céder 51 % des actions de l’État dans le groupe Togocom tout en gardant la participation de l’État à 49 %. Un montant de 48.257.744.904 de francs CFA, correspondant au transfert des actions de l’Etat vient ainsi s’ajouter aux recettes de l’Etat», révèle le communiqué.
Cela avait suscité un tollé général et l’Association Togolaise des Consommateurs (ATC) était montée au créneau. « Prenant acte d’une telle décision de nature historique, l’Association Togolaise des Consommateurs (ATC) demande au Gouvernement d’apporter aux populations, les éclaircissements nécessaires sur les conditions et les modalités dudit contrat en l’occurrence les objectifs de cette privatisation ainsi que les résultats attendus », précise le communiqué.
Acté depuis le 16 novembre 2018 par le vote de l’Assemblée Nationale en faveur de l’ouverture du capital du Groupe TOGOCOM (Togotelécom, Togocel), la privatisation de ce Groupe s’est concrétisée le mercredi 6 novembre 2019 avec l’annonce du rachat de 51% de son capital par le Consortium Agou Holding, composé du conglomérat malgache AXIAN GROUP et du Capital-investisseur Emerging Capital Partner (ECP).
Selon le Gouvernement, l’ouverture du capital de ce Groupe devra lui permettre de se doter de moyens nécessaires à la réalisation de ses ambitions.
« L’ATC, espère que cette nouvelle orientation devrait permettre au Groupe TOGOCOM de satisfaire non seulement la forte demande des consommateurs d’accessibilité à des services d’excellente qualité et à bas prix sur toute l’étendue du territoire, mais aussi de financer ses projets en adoptant une approche innovante pour leur mise en œuvre. En tout état de cause, l’ATC reste vigilante sur les incidences que cette opération peut avoir sur le quotidien du consommateur togolais, bénéficiaire des services de TOGOCOM », conclut le communiqué.
A ce jour, rien n’a été fait pour situer le peuple. Aujourd’hui, Togocom est devenue une boîte de Pandore avec des mouvements incessants des agents. Le service est devenu plus calamiteux.
Aujourd’hui, Togo Cellulaire excelle dans le vol des crédits et des mégas de connexion internet, de fausses annonces de bonus, la détérioration des relations avec les vendeurs de crédit. Tout à l’air d’une vaste opération d’arnaque des clients.
Or, le pouvoir avait annoncé l’amélioration de la qualité de service avec les nouveaux partenaires malgaches.
Rapatriement des capitaux, augmentation de chômage
On ne peut parler de croissance dans la mal gouvernance qui a cours sous Faure Gnassingbé. La privatisation dans un pays des magouilleurs rime avec le rapatriement des capitaux. Que ce soit les Malgaches de Togocom ou les Indiens de la NSCT, les bénéfices réalisés dans la gestion des sociétés bradées sont rapatriés dans leur pays. Au même moment, ils font la part belle aux étrangers dans le recrutement des employés. Ceci contribue à l’augmentation exponentielle du chômage.
Faure et ses séides connaissent ces conséquences désastreuses de leurs actions. Mais comme seuls comptent leurs propres business, ils préfèrent sacrifier leurs concitoyens.
Cette affaire de privatisation de la NSCT est une mauvaise blague qui mérite une mobilisation de la société civile et des Togolais soucieux du devenir de leurs pays pour mettre fin à une énième prédation de l’économie nationale.
Kokou Agbemebio
Source : Le Correcteur No.938 du 29 juin 2020