L’avis émis par la Cour constitutionnelle le 18 mars 2020 en réponse à une saisine du président de la Cour suprême intéresse au plus haut point les magistrats togolais.
L’un d’entre eux, Henry Ognan DOGO, magistrat du ministère public et porte-parole de l’Union Syndicale des Magistrats du Togo (USYMAT) vient, à travers une publication spécialisée, de passer à la loupe juridique l’acte des Sages de la Cour présidée par Aboudou Assouma.
Cette démarche, pour la moins audacieuse initiée par un magistrat de la trentaine, a le mérite de magnétiser les attentions, et marque de manière retentissante une entrée en scène d’une nouvelle génération de magistrats décidés à protéger et à défendre, à tout prix, l’indépendance de la justice.
Sans ambages, Henry Ognan DOGO s’insurge contre l’inféodation du pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif à travers la présidence du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le chef de l’Etat, qui ravit ainsi cette attribution au président de la Cour suprême.
Dans une tribune titrée : « Togo : l’indépendance de la justice à l’épreuve du juge constitutionnel », Henry Ognan DOGO s’interroge d’abord sur la convenance ou l’opportunité de la démarche du président de la Cour suprême, avant d’analyser tour à tour le caractère non authentique de l’avis de la Cour constitutionnelle et la portée juridique de cette interprétation constitutionnelle.
La Cour constitutionnelle, à travers l’avis n°av- 002/20 du 18 mars 2020, exerçait à titre préventif un contrôle de constitutionnalité de la loi organique en élaboration portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du CSM. Elle devait dire si oui ou non le chef de l’Etat, patron de l’exécutif, peut présider ou pas « Un véritable recul démocratique séculaire », d’après un magistrat.
Le chef de l’Etat, président du CSM le CSM. Le OUI de la Cour est considéré par l’auteur de cette tribune comme « un véritable recul démocratique séculaire. »
Car, soutient-il, « en réalité, en ce XXIème siècle, la présence de personnalités politiques issues des autres pouvoirs au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature ne devrait pas se justifier dans un régime démocratique. »
Pour appuyer sa position, il convoque l’ancien Premier ministre Français Edouard BALLADUR qui, sur cette problématique, a estimé que pour restaurer l’indépendance du CSM vis-à-vis de l’exécutif, il faut que « sa présidence soit retirée au président de la République pour être confiée à une personnalité élue en son sein par ledit conseil. »
Un débat qui a fini par ouvrir la voie à une réforme en France, et depuis 2008, le CSM est présidé, non plus par le président de la République, mais par le premier président de la Cour de cassation.
« Placer le pouvoir judiciaire sous le joug du pouvoir exécutif équivaudrait à la neutralisation du principe de la séparation des pouvoirs et à une absence de constitution », fustige Henry Ognan DOGO.
Le magistrat reconnaît que la fonction consultative est une réalité juridique et juridictionnelle à laquelle le juge constitutionnel togolais n’échappe pas, mais pour lui, « cette noble mission du juge constitutionnel » doit être « à l’abri du poids de l’instrumentalisation et du militantisme politique, qui le détourne certainement de son but d’intérêt général au profit des dérives partisanes. »
Bien qu’étant un acte juridique, à suivre le décryptage de M. DOGO, l’avis du président de la Cour constitutionnelle sur cette question n’a pas de valeur juridique, il ne s’impose donc pas.
La Symphonie