SMIG au Togo : Révélations sur pourquoi on ne veut pas l’augmenter !

 

Alors que plusieurs acteurs du monde social tablaient sur une revalorisation du Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), la déception a été grande que dans le message de vœux de fin d’année, le président de la République n’en a pas fait allusion. Il s’est au contraire contenté d’une avance sur salaire échelonné sur un an aux fonctionnaires.

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Du coup, dès le lendemain, le ministre de la fonction publique est monté au créneau pour justifier pourquoi le Togo ne peut pas augmenter son SMIG. A titre indicatif, le SMIG dans les pays francophones membres de l’UEMOA se présente comme suit:

 
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Côte d’Ivoire : 60 000

Sénégal : 60 000

Bénin : 40 000

Mali : 40 000

Togo : 35 000

Burkina Faso : 33 150

Niger : 30 047

 

Si en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Bénin, au Mali, le SMIG est supérieur ou égal à 40 000 FCFA, en quoi le SMIG du Togo fixé aujourd’hui à 35 000 depuis 2011 est-il une norme dans la sous-région ? Tout porte à croire qu’en se comparant à chaque fois aux autres, on veut dire aux populations qu’on ne peut pas faire mieux. Ceci est un véritable aveu d’incapacité et d’échec et de cela, toutes les conséquences devraient être tirées. Car, ou on est capable d’offrir mieux au peuple et on est légitime pour le diriger, où on est incapable et on tire purement et simplement sa révérence pour permettre à ceux qui proposent des alternatives d’exercer le pouvoir.

Face aux préoccupations exprimées par les populations, les dirigeants togolais répondent toujours que le Togo n’est pas le seul pays au monde qui soit concerné. Il y a quelques jours, face à la vie chère, c’est cette même réponse qui a été servie aux Togolais dans un discours. Mais justement, gouverner, c’est faire mieux que les autres, c’est offrir mieux que ce que les autres offrent à leurs peuples.

Qu’est-ce que ces pays ont de plus que le Togo pour que leur SMIG soit plus élevé, jusqu’à atteindre parfois le double de celui du Togo ? On dit craindre qu’un SMIG trop élevé devienne un frein à l’investissement et à la création d’emplois au Togo.

 

 

Les Togolais devraient-ils comprendre dans ce propos que leur SMIG est déjà très et suffisamment élevé, et que si on le revalorisait encore, il deviendrait trop élevé ?

Par ailleurs, on évoque l’assurance maladie obligatoire comme étant déjà une charge supplémentaire pour les entreprises, et que le fait d’augmenter le SMIG pourrait rendre l’investissement prohibitif au Togo.

Pourtant, dans les pays voisins où le SMIG est plus élevé, l’assurance maladie obligatoire existait déjà depuis longtemps et les services sociaux de base sont bien meilleurs.

COMMENT CES PAYS FONT-ILS DONC?

La création d’emplois a-t-elle été plombée chez eux? L’investissement est-il devenu prohibitif chez eux?  Les charges sont-elles devenues insupportables pour leurs entreprises à telle enseigne qu’elles ont toutes fait faillite ?

Au Togo, l’assurance maladie n’est rendue obligatoire qu’à compter de ce 1er janvier 2022 suite à la promulgation du code du travail le 18 juin 2021.

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Allez vérifier combien d’entreprises ont déjà souscrit une assurance maladie en faveur de leurs travailleurs depuis les six derniers mois et lesquelles sont prêtes ce 1er janvier 2022, surtout qu’à ce jour, le décret portant répartition de la part à supporter par l’employeur et le travailleur n’est toujours pas encore pris.

QUELLES SONT LES VRAIES RAISONS POUR LESQUELLES ON NE VEUT PAS UNE REVALORISATION DU SMIG AU TOGO?

 1 . Tout le système économique privé est entre les mains de la minorité pilleuse : ils sont actionnaires ou propriétaires de presque toutes les entreprises du pays, souvent directement en leur nom propre, d’autres fois via des prête-noms. Un rapport récent avait établi que des ministres, premiers ministres, pontes du régime et militants du pouvoir détiennent des actions et des parts dans plusieurs grandes sociétés du pays.

Leurs intérêts personnels sont donc en jeu en premier lieu et ils doivent les préserver et les maximiser absolument. L’augmentation du SMIG va réduire leurs bénéfices et les dividendes qu’ils gagnent ;

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 2 . L’augmentation du SMIG entraînerait systématiquement des revendications similaires dans la fonction publique et comme on ne veut pas de cela dans le public, on bloque tout ;

 3. Demander au patronat de revoir le SMIG à la hausse revient à amener les patrons d’entreprises à poser le problème de la continuité du versement des enveloppes financières, des dessous de table et des pots de vin qu’ils consentent habituellement aux autorités afin de bénéficier de leur protection en cas de soucis fiscaux, sociaux ou judiciaires.

Les cas très récent de plusieurs sociétés qui ont licencié des travailleurs en masse sous des motifs farfelus avec l’appui des gouvernants est encore frais dans les mémoires.

Pour rien au monde, les dirigeants n’entendent perdre le bénéfice de ces enveloppes qui leur font un si grand bien. Et pour cela, pas question de parler d’augmentation de SMIG aux patrons pour ne pas les fâcher.

 4 . On veut toujours présenter le Togo comme le meilleur pays réformateur en Afrique et même au monde.

Ainsi, toucher au SMIG ferait perdre des points, et comme au Togo, on raffole tellement des conneries de rapport Doing Business, MCC et consorts, il n’est pas question de perdre le classement. Il y a bien un enjeu politique de taille derrière ces classements ronflants, souvent tronqués et manipulés en faveur des régimes qui ont payé à cet effet.

En réalité, le Togo n’est qu’un véritable paradis fiscal où des avantages fiscaux majeurs de taille sont consentis aux soit disant investisseurs qui viennent y s’enrichir pour rapatrier tranquillement leurs bénéfices après avoir royalement exploité la main d’œuvre locale rendue bon marché avec le soutien des gouvernants en plus des exonérations fiscales importantes dont ils bénéficient.

La loi sur la zone franche, le code des investissements, le code minier et de nombreuses autres dispositions légales concèdent des milliards d’impôts et de droits de douane aux opérateurs économiques, alors qu’au même moment, le niveau de vie des travailleurs dégringole de jour en jour et ce, sous le regard indifférent des autorités.

Si l’on renonce à des centaines de milliards d’impôts et de droits de douane, c’est justement pour favoriser le bon traitement des travailleurs et promouvoir l’emploi décent.

Les impôts et droits de douane non payés devraient ainsi servir à bien rémunérer les travailleurs et à améliorer de façon permanente leurs conditions de vie. Mais il n’en n’est absolument rien.

Et les gouvernants, trempés jusqu’au cou, apportent leur appui à la surexploitation de leurs administrés par les employeurs véreux.

En vérité, il n’y a qu’au Togo que les gouvernants se dressent contre les intérêts des nationaux.

Le constat est que, aucune norme de travail décent telle qu’édictée dans les conventions internationales de l’organisation internationale du travail, lesquelles sont ratifiées par le Togo, n’est respectée dans le pays.

Parallèlement, au nom d’un climat des affaires dit favorable, en plus de la fraude fiscale et douanière, on favorise la réalisation de gros bénéfices aux entreprises et on le leur garantit encore pour longtemps, pourvu que les enveloppes, les dessous de table et les dividendes soient préservés et continuent de pleuvoir et d’atterrir sur leurs bureaux.

 5 . Par ailleurs, la stratégie ultime du pouvoir est de continuer de prolonger la misère et la précarité des Togolais, de sorte à les maintenir dans la dépendance et dans la mendicité pour qu’en toutes circonstances, ils puissent être achetés contre 2000 FCFA, un t-shirt et quelques gadgets fantoches.

 

Le maintien du peuple dans la faim, dans le dénuement total et dans la soumission est une redoutable arme politique usuellement utilisée en dictature.

Cette arme préserve la mainmise de l’oligarchie et de la minorité de milliardaires sur les citoyens, favorise la prolifération d’hommes et de femmes financièrement dépendants, potentiellement et très facilement corruptibles et achetables par la politique.

Un SMIG meilleur sera donc contreproductif dans ce domaine pour les gouvernants.

En effet, rien n’empêche les gouvernants d’ouvrir en tout moment des discussions avec les partenaires sociaux que sont le patronat, les syndicats et l’État, visant à étudier la possibilité de revaloriser le SMIG dans notre pays, quitte à constater un échec des négociations et à rechercher la partie qui n’a pas voulu faire de concession. Les cahiers de doléances des syndicats l’ont toujours demandé à l’occasion de chaque 1er mai.

Mais, qu’un gouvernant se dise « sûr qu’un jour ou un  autre, cela va arriver », sans évoquer un délai, c’est un dirigeant qui a échoué dans sa mission.

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Cette façon de mener les populations en bateau et d’évacuer les sujets comme d’habitude et comme toujours ne passera plus, car aujourd’hui, les yeux s’ouvrent et tout le monde, même le dernier paysan, commence à voir plus clair dans la gestion des affaires publiques.

En conséquence, les Togolais doivent s’attendre à une année 2022 plus dure que les précédentes et il en sera ainsi pour les années à venir.

Ce qu’ils doivent savoir est qu’on n’a jamais rien obtenu les bras croisés quand on attend que la partie adverse devienne subitement le bon samaritain pour décider de lui-même de lâcher du lest quand bon lui semble.

 

Pour obtenir quelque chose, il y a toujours lieu de forcer la main à l’autre partie. Les immenses richesses dont dispose le pays, les avantages fiscaux et douanier de taille concédés aux entreprises étrangères et nationales contrôlées par la minorité, la fin de la fraude fiscale et douanière ambiante, le bradage du patrimoine du pays, l’utilisation judicieuse des ressources à des fins utiles et bénéfiques pour la population, la fin de la corruption galopante, le renoncement à l’endettement insensé, bref la bonne gestion sans laxisme comme l’a reconnu le premier de nous tous, devraient permettre l’amélioration nette du train de vie des Togolais.

Pour y parvenir, nous savons tous, aussi bien individuellement que collectivement, ce que nous avons à faire. A moins que notre conscience collective, le seul et dernier bien qui nous reste, nous ait été confisquée aussi.

Dans ce cas, rendons-nous tous à la potence et allons-nous faire pendre !

 

Avec Togo Scoop