C’est Koffi Yamgnane, ancien ministre de l’intégration sous l’ère de François Mitterrand et homme politique togolais qui est le premier à mettre le doigt sur un dossier banal d’insurrection au sein de la grande muette le 19 décembre 2019 dans l’un de ses petits articles comme il sait le faire.
En effet, le « Bassari » avait fait état d’un accrochage entre militaires et l’arrestation au finish de quelques 18 soldats et officiers. Lesquels ? Le message n’avait pas titillé la presse togolaise qui n’ira pas chercher les tenants et les aboutissants entre camps rivaux au sein des Forces Armées Togolaises.
Ensuite, c’est le confrère Max Carmel qui remet le couvert dans un brulot daté du 18 avril 2019 sur les rivalités entre officiers Togolais d’ethnies différentes. Les « Nawdba » et les « Kabyès ». Les premiers essayant de rafler la mise devant le regard craintif des seconds. Il y a danger à la maison. Le pouvoir se lézarde et les faucons Kabyè de « Pya » semblent se repositionner pour défendre la « case » balafrée.
Entre temps, le Professeur Wolou Komi du Parti Socialiste pour le Renouveau (PSR) dans son programme de société lors de sa campagne électorale a mis le doigt sur le tribalisme à tous les « strates » de la société togolaise.
Il va loin en proposant un numéro vert pour discuter de ce problème une fois élu. Jamais la triste réalité du tribalisme n’avait réunie autant de têtes fécondes dans un pays où un parti dirige depuis cinquante ans jonglant et manipulant les composantes ethniques à sa guise et poussant le touquet de le pimenter par des assassinats toujours impunis. Enquête de Lynxtogo.info.
Le longiligne n’a rien appris de son mentor Yoma Djoua et de sa fin tragique. La fin tragique des Romanov du romancier Pierre Laurrain dans la Russie tsariste n’a jamais été un livre de chevet. La fin brutale du général Oufkir et l’envoi au bagne de ses enfants dans la prison de Tazmamart en plein désert marocain lui sont inconnus. A côté de chez lui, au Burkina-Faso, la fin tumultueuse du général Gilbert Diendéré est un non-événement. Félix est convaincu que son destin survivra à tous les chocs de la vie.
Amoureux des livres selon Gerry Taama, on peut le voir écrire « PaiY », pas pour rigoler mais pour convaincre la troupe que désormais la « PaiY» n’est pas un idéal mais un bon vouloir d’un général togolais. Naviguant dans cet univers inconnu, « Félix » comme on l’appelle en pays Kabyè s’est fait « griser » par le pouvoir que les stratèges et faucons lui ont donné sans lui donner les clés sinon toutes les clés de ce pouvoir.
L’art du mensonge, des bisbilles et des coups fourrés constitue l’élément central de ce groupe de l’ombre. Autiste à tout changement de mentalité, de paradigmes dans une société qui n’aura connu depuis plus de cinquante ans que, les mêmes pieds nickelés. La manipulation est leur arme fatale et beaucoup d’officiers ont malheureusement connu cet enfer.
Parfois pour se recycler les Faucons ne tardent pas à livrer leurs propres éléments. Il fallait livrer Kpatcha Gnassingbé pour tenir le bon bout du pouvoir. Les plus malchanceux comme Kouma Bitenewe ont frôlé la mort avant de revenir « ravaler » leur crachat. Ceux qui n’ont pas le profil du « Kabyè type » ont connu des humiliations diverses. De la fuite du capitaine Kaféchina en passant par l’humiliation du général Assani Tidjani, le mode opératoire est toujours le même. Depuis leur arrivée au pouvoir en 1967 et l’installation d’un pouvoir sur une base clanique, les « durs » n’ont jamais changé leur manière de s’asseoir. Tout officier ou soldat de rang doit aider à soutenir le pouvoir qui va s’écrouler. Ensuite, on le laisse tâcher son treillis et ses galons de sang. A la fin, on le lâche gboyaa ! « Dans les dictatures, l’armée s’entraîne sur les populations », nous enseigne Bruno Masure.
Revenons au chapitre Félix. Quand les services secrets Nigérians interceptent des câbles qui ont un parfum d’odeur de coup d’État, Olesegun Obassandjo, alors président, du Nigéria alerte Faure Gnassingbé. A son tour, l’enfant de Sabine choisi le «profil type» du soldat qui doit faire l’affaire. Félix exulte, il est l’heureux élu. Il a l’occasion unique de faire ses preuves. Bien que, le commandement des blindés et l’artillerie lourde n’étaient pas sous sa férule mais bien sous celui de Rock Gnassingbé, ce sont« ses » bombes qui défoncent la porte principale du député avant que « ses » grenades échouent dans la chambre à coucher de ce denier.
Dans le procès «Faure Gnassingbé contre Kpatcha Gnassingbé » du 6 septembre 2013, c’est encore Félix, invité comme témoin qui lance au juge Abalo Pétchelibia que, Kpatcha devrait être condamné. Tout un symbole ! Une fois le député Gnassingbé Kpatcha condamné pour 20 ans de prison, le boulot si bien fait confirmera tout ce que les « faucons » attendaient de lui. Au départ, colonel, une étoile de plus tombe sur ses épaules et fait de lui général. Un poste comme chef d’Etat-Major des Forces Armées Togolaises (FAT) pour enjoliver la victoire de Faure sur Kpatcha est aussi acquis.
Les amours entre « Beau » et « Beau » peuvent commencer. Si Félix jure mourir pour les Gnassingbé, le fils de Sabine n’est pas con ! Les « Faucons » Kabyè de Pya, le dernier cercle des « durs » encore moins. Ces derniers connaissent Félix plus qu’il ne se connait lui-même. D’un « père »en pointillé qui a fini sa retraite comme Adjudant-Major à l’infirmerie des FAT, les Kabyè savent, à tout « cracher », que Félix n’est pas un des leurs.
Un président, plusieurs chaînes de Commandements
Depuis l’arrestation de Kpatcha Gnassingbé, son demi-frère Faure Gnassingbé est président et cumule aussi le poste de ministre de la défense. De facto, tous les crimes qui ont eu lieu sous le couvert des Forces Armées Togolaises sont recoupés et connus par le maître du ministère. Cependant, entre le « beau» et le « beau », la méfiance est de mise. Faure n’a pas oublié que, Félix Kadanga est allé une fois voir le commandant François Boko, pour lui dire qu’il va « déposer » feu Gnassingbé Eyadema par un coup d’Etat. Raison évoquée. Sa femme qui n’est autre que la fille d’Eyadéma n’est pas fidèle. Le « brave » commandant rappellera à la « brute » qu’on ne fait pas un coup d’Etat pour une histoire de fesses. Passons.
Dans ce méli-mélo, Faure Gnassingbé a le génie de diviser pour régner. La première stratégie a constitué à promouvoir la filière Lamba, Nawda du grand groupe Losso. Groupe « très » anti Kabyè. Ici, superstitions et « Djaratouta » font bon ménage. Les deux ethnies en raffolent ! On raconte la peur bleue du Kabyè quand il va affronter le Losso. Le président trouve l’idée de caler pour sa sécurité le chef corps du 1er Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), le Lieutenant-Colonel Madjoulba Bitala.
Mais, dans le dernier carré de la sécurité autour de Faure Gnassingbé, on retrouve plus des éléments de Félix. Tout un symbole ! Depuis, ce sont les éléments de cet officier et ceux du général Félix Kadanga qui sont des chiens ennemis. Rusé, Faure Gnassingbé les laisse se « dévorer » comme son papa avait bien su le faire en laissant les éléments de son fils Ernest dévorer les éléments du colonel Djoua Yoma et vice versa.
Dans l’art de la guerre du stratège chinois, Sun Tsu, cette tactique est la plus efficace de toutes les autres. Avec les dernières élections acquises aux forceps et la dure réalité des réseaux sociaux, les faucons trouveront un filon pour organiser le crime et le déverser sur celui qu’ils n’ont jamais reconnu comme tel…comme un des leurs. Le crime peut commencer.
Félix Abalo Kadanga : Présent partout et ennemi de tous !
Un parcours de circonstance va propulser Félix au sommet. Djoua Yoma en prison et son successeur Bitenewe Kouma en cavale, certains jeunes officiers et lui s’empareront du camp FIR connu sous le nom de Force d’Intervention Rapide.
En manque d’amour « paternel », il a pour repère les Gnassingbé. Il veut qu’on l’accepte. Il finit par épouser une fille du général Gnassingbé et du coup va s’attirer toutes les inimités. Massina Yotrofei n’a pas pire ennemi sur cette terre que Félix Kadanga. Et comment cela aurait été impossible quand on sait qu’il a pour mentor le patriarche des « faucons » en la personne du colonel Assih Agossoye alias la (Liste) et le général Gnakoudé Béréna ?
D’ailleurs, quand il revient au Togo après un exile à Orléans en France où il travaillait comme vigile devant les grandes surfaces pour arrondir ces fins de mois, c’est lui Assih Agossoye qui impose son filleul Massina Yetrofei à Faure Gnassingbé. La brutalité et les tortures inouïes de la célèbre ANR (Agence Nationale de Renseignements) sont encore dans la mémoire collective au Togo.
Voilà un colonel qui s’était assigné pour mission dans sa vie que de favoriser les natifs de Pya, son village. Chaque année, une petite liste devrait circuler dans le silence le plus complet entre jeunes Kabyè de Pya qui viennent d’obtenir le Bac ou qui doivent aller chez les « blancs » qui, pour un troisième cycle qui pour un stage. Un bénéficiaire se rappelle avec beaucoup de bons souvenirs à Lynxtogo.info : « Le plus dur était d’avoir pu écrire ton nom sur cette liste…la suite, tu pouvais déjà commencer par faire ta valise pour la France ».
Encore avec ses esprits d’opposant, Josef Koffigoh, alors premier ministre, fera l’erreur fatale de le mettre à ses côtés après la Conférence Nationale Souveraine. Une levée de bois vert entre « petits rivaux » de quartiers et les idées conspirationnistes avec le général défunt le poussera à l’exile.
De retour au bercail avec l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir en 2005, il sera le premier à diviser les Gnassingbé pour tenir du bon côté, là où se trouve le pouvoir. Parmi les ennemis de Félix, on retrouve tout le gotha qui a d’abord surfé pour Kpatcha Gnassingbé et après ont basculé pour Faure Gnassingbé. Ces officiers Kabyè se comptent par centaine.
Même des civils comme Christophe Tchao (six fois il a tenté le baccalauréat) et le très brouillon Abass Kaboua qui mangent à tous les râteliers semblent être désormais unanimes que les « durs » de Pya devraient reprendre les zones stratégiques entre temps et par erreur perdues dans l’armée. C’est ce qui explique les sorties brouillonnes et bien zélées du brouillon qu’il est !
Pâ Tamba / Tchapo Sina