Visé par une plainte pour viol, le député est en passe de perdre son immunité parlementaire. Les auditions réalisées par la gendarmerie révèlent pourtant des versions contradictoires.
Que s’est-il passé au salon « Sweet beauté spa », dans le quartier Sacré-Cœur-III de Dakar, dans la nuit du 2 au 3 février 2021 ? Cette nuit-là, une jeune femme prénommée Adji Sarr se présente à la section de recherches de la gendarmerie pour déposer plainte contre Ousmane Sonko.
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Elle accuse le député de l’opposition de l’avoir violée sous la menace à quatre occasions, la dernière datant de la nuit de son dépôt de plainte. Convoqué dès le lundi 8 février, Ousmane Sonko, protégé par son immunité parlementaire, n’a pas déféré devant les gendarmes. Il pourrait être amené à le faire dès lors que sa levée d’immunité sera votée à l’Assemblée, où la procédure est déjà enclenchée.
Contradictions
Si le député n’a pas été entendu par les enquêteurs, ces derniers ont déjà auditionné, outre la plaignante, la propriétaire du salon de massage où les faits se seraient déroulés, ainsi que l’époux de celle-ci, et une autre employée du salon qui aurait massé Ousmane Sonko en compagnie d’Adji Sarr, ce 2 février. Jeune Afrique a pu consulter leurs procès-verbaux d’audition.
Dans le procès-verbal de synthèse, les enquêteurs relèvent « un certain nombre de contradictions » dans les déclarations. « La plaignante évoque dans sa plainte un message écrit par le mis en cause lui disant qu’il arrivait à l’institut de beauté. À la question de savoir si elle avait toujours le message, elle déclare l’avoir supprimé. »
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Entendue par les gendarmes, la jeune femme reviendra d’ailleurs sur sa déclaration initiale, affirmant que le député ne lui a pas envoyé le message directement, mais par l’intermédiaire de la propriétaire du salon, qui lui aurait ensuite transféré.
Une version contredite par sa patronne devant les enquêteurs, qui met en doute les déclarations de son employée, qu’elle accuse d’être une « manipulatrice » : « Elle demandait à mon mari d’appeler Sonko pour qu’il vienne se faire masser avec insistance » dans les jours qui ont précédé la plainte, affirme-t-elle. Elle ajoute : « Nous avons tous compris que Adji préparait quelque chose ».
Réquisitoire
Si Ousmane Sonko était bien un habitué des lieux depuis plusieurs mois, et qu’il était présent au salon le 2 février après 21 heures, la propriétaire précise qu’il ne s’est, à sa connaissance, « jamais mal comporté ». Une version corroborée par son époux. « Il reste sceptique sur un possible viol dans les locaux de l’institut de beauté. Il dit n’avoir entendu aucun bruit (…) et déclare n’avoir rien constaté d’inhabituel sur la personne d’Adji », relatent les gendarmes.
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Une employée du salon, qui aurait massé Ousmane Sonko avec Adji Sarr le 2 février, avant de les laisser seuls dans une pièce, a déclaré aux gendarmes les avoir « entendu parler à l’intérieur pendant plusieurs minutes ». Elle affirme aussi que la plaignante lui aurait proposé 100 000 F CFA pour qu’elle quitte la confrontation organisée par la gendarmerie. « J’ai refusé catégoriquement », ajoute-t-elle.
La dernière personne entendue est un homme se présentant comme un ami de la plaignante qui aurait été au courant des faits. Le 2 février, il accompagne Adji Sarr à l’hôpital pour un examen médical. Interrogé par les enquêteurs sur ses « activités politiques », il fait savoir que son père est le leader d’un mouvement affilié à Benno Bokk Yakaar, la coalition présidentielle.
Autant d’éléments qui figurent dans le dossier transmis au juge d’instruction le 9 février par le procureur de la République, qui a requis l’ouverture d’une information judicaire pour « incitation à la débauche, diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs, complicité de viol et viol et menaces de mort » et réclamé le placement en détention provisoire des personnes mises en cause.
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Sauf que, si le procureur évoque la propriétaire du salon, il ne nomme pas explicitement Ousmane Sonko dans son réquisitoire introductif. Un argument mis en avant par les députés de l’opposition qui s’opposent à la levée de l’immunité parlementaire de ce dernier, et menaçaient, vendredi, de quitter la commission chargée de mener la procédure.
Jeune Afrique