La découverte de «plus de 457 milliards» de nos francs chez les affidées de Sylvia Bongo soulève des questions sur la gestion de l’État.
Sylvia Bongo a certainement eu tort de trop s’avancer. Mais, la Cour constitutionnelle, la Primature et les deux chambres du Parlement portent une responsabilité encore plus lourde. Ils ont pris le parti de couvrir, défendre et accompagner toutes les initiatives de l’épouse d’Ali Bongo.
Et voici une nouvelle odyssée dans les dédales du système Bongo. Après les proches de Maixent Accrombessi, les amis de Brice Laccruche-Alihanga, les affidés de Sylvia Bongo sont dans la tourmente. Au lendemain de la mise en place du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), des sommes astronomiques auraient été découvertes dans leurs domiciles. On parle de plus 457 milliards de nos francs (environ 686 millions d’euros), répartis comme suit : 1,2 milliard chez Guy-Patrick Obiang, ancien ministre de la Santé ; 4 milliards chez Ian Ghislain Ngoulou, ancien directeur de cabinet de Noureddin Bongo ; 7 milliards chez Jessye Ella Ekogah, ancien porte-parole de la présidence de la République ; 70 milliards chez Abdoul Oceni, ami intime de Noureddin Bongo ; 75 milliards chez Mohamed Ali Saliou, frère du précédent et ancien directeur adjoint de cabinet du président de la République ; 100 milliards chez Me Kim, aide de camp de Sylvia Bongo et ; 200 milliards dans l’une des propriétés de cette dernière.
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La Première dame n’a ni statut ni reconnaissance légale
Durant l’opération Scorpion, Christian Patrichi Tanasa avait décrit un système gangréné par la corruption, où l’abus de pouvoir le dispute au trafic d’influence. Ike Ngouoni avait dépeint un pouvoir évoluant aux confins de l’anomie, où règne la loi du plus fort, où tout se fait au gré des humeurs de quelques-uns. Avec les révélations du CTRI, une réalité de portée plus politique et institutionnelle se présente : si ses proches ont pu faire montre d’une avidité sans limite, l’épouse d’Ali Bongo aurait eu la haute main sur tout. Du gouvernement au cabinet présidentiel, elle aurait eu le contrôle sur tout. De la gestion de la pandémie de Covid-19 aux élections générales d’août 2023 en passant par la communication présidentielle, elle aurait décidé de tout et sur tout. Autrement dit, durant les cinq dernières années, elle aurait été la vraie détentrice du pouvoir exécutif.
Certes, on s’en doutait un peu. Certes, une question revenait sans cesse : «Qui dirige le Gabon ?» Certes, d’aucuns pointaient un doigt accusateur vers Sylvia Bongo, dénonçant «un mensonge d’État», «une imposture» voire «une usurpation de fonction». Mais on ne saurait le tenir pour une péripétie. On ne peut faire comme s’il s’agissait d’un accident sans importance ni influence sur la marche du pays et sa crédibilité. Même si, par mimétisme vis-à-vis des États-Unis, on l’affuble du titre de Première dame, l’épouse du président de la République n’a ni statut ni reconnaissance légale. Encore moins de pouvoirs reconnus par la Constitution. Sans nier sa proximité d’avec le chef de l’État, elle reste une citoyenne comme une autre. Sous aucun prétexte, les institutions ne peuvent prendre leurs ordres auprès d’elle.
Jeu de la barbichette
La Constitution n’a pas pour objectif de protéger la famille du président de la République ou la placer au-dessus des lois. Elle vise notamment à protéger les droits, individuels et collectifs. Comme tout citoyen, l’épouse du président de la République jouit de droits. Comme tout le monde, elle a des devoirs. Au nombre de ceux-ci, le respect des institutions, notamment le président de la République. Sauf à vouloir jeter une ombre sur ce dernier, elle ne peut se substituer à lui. Et si une telle perspective advient, la faute est d’abord imputable aux institutions, coupables de manquement à leurs obligations. Sylvia Bongo a certainement eu tort de trop s’avancer. Mais, la Cour constitutionnelle, les trois derniers premiers ministres et les deux chambres du Parlement portent une responsabilité encore plus lourde. Régulièrement interpellés sur la question, ils ont pris le parti de couvrir, défendre et accompagner toutes les initiatives de l’épouse d’Ali Bongo.
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Mais comment et pourquoi en est-on arrivé là ? Par l’addition de deux travers : cupidité et tendance à s’affranchir de la règle de droit. Comme n’ont eu de cesse de le dénoncer des observateurs avisés : nombre de détenteurs de l’autorité de l’État ont profité des ennuis de santé d’Ali Bongo soit pour s’en mettre plein les poches, soit pour obtenir une promotion indue. Des membres des différents gouvernements à ceux du bureau de l’Assemblée nationale en passant par les juges constitutionnels, personne ne peut prétendre avoir été nommé, promu ou reconduit de façon régulière. Du coup, ils sont condamnés à s’adonner au jeu de la barbichette, chacun ayant à redire sur l’autre ou pouvant toujours le balancer. «Durant (les cinq années d’absence d’Ali Bongo) de nombreuses décisions ont été prises. De qui émanaient-elles ? Quelle est leur validité et leur portée juridique ?», a récemment lancé Paulette Missambo, dans une interview chez notre confrère L’Union. S’il veut restaurer les institutions, le CTRI doit chercher la réponse à cette question.
Avec gabonreview.com