Dans son édition du week-end dernier, le New York Times revient sur l’éviction de Tidjane Thiam du Crédit Suisse. Le quotidien américain laisse entendre que le Franco-Ivoirien aurait été traité différemment par l’establishment bancaire suisse s’il avait été Blanc.
Il est des affaires que les banquiers aimeraient pouvoir enfermer dans un coffre-fort et oublier à jamais. L’éviction de Tidjane Thiam, en février dernier de son poste de directeur général du Crédit suisse, restera comme l’un des épisodes les moins glorieux des sagas bancaires zurichoises.
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Accusé d’avoir fait espionner certains de ses collaborateurs, le banquier ivoirien a été obligé de démissionner après un mandat de moins de cinq ans. L’affaire aurait-elle connu un épilogue contraire si Tidjane Thiam avait eu une couleur de peau différente ? C’est ce que laisse entendre le New York Times qui relate le « court mandat » du banquier et sa « brutale éviction » d’un établissement qu’il avait pourtant contribué à redresser. « Il est clair, affirme le journal américain, que Tidjane Thiam n’a jamais cessé d’être considéré en Suisse comme quelqu’un qui n’était pas à sa place ».
Attaques sournoises et propos racistes
Pour étayer cette thèse, le New York Times s’appuie sur une série d’incidents censés démontrer le racisme ambiant des milieux d’affaires zurichois. Propos publics d’une actionnaire offusquée par la présence d’un dirigeant associé « au tiers-monde », attaques sournoises d’une partie de la presse zurichoise, le New York Times retrace aussi le malaise grandissant de Tidjane Thiam qui se sentait rejeté par l’establishment.
Un évènement fait particulièrement couler de l’encre, il s’agit de la fête d’anniversaire organisée en l’honneur du président du Crédit Suisse, Urs Rohner, en novembre 2019, dans un grand restaurant de Zurich où sont réunis amis et collaborateur du PDG. Tidjane Thiam est le seul invité noir. La soirée avait pour thème « le Studio 54 », cette célèbre boîte de nuit new-yorkaise des années soixante-dix. Soudain, un artiste noir déguisé en balayeur monte sur scène et balaie tout en dansant. Tidjane Thiam se lève et quitte la salle, il reviendra quelque temps plus tard pour constater que certains de ses collègues, perruque afro sur la tête, se trémoussent sur la piste de danse.
L’incident relaté par le New York Times a entraîné des excuses, lundi dernier, de la part du Crédit suisse. Dans les colonnes du quotidien britannique, The Guardian, la banque se justifie et affirme « qu’il n’y a jamais eu d’intention de causer une offense et nous sommes désolés pour toute offense causée ».
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Une sanction disproportionnée ?
Au-delà de ces faits, le New York Times rappelle que dans le milieu de la banque, il est rare que les scandales internes se traduisent par une sanction aussi lourde. Car si Tidjane Thiam a démissionné, il ne fait aucun doute qu’il y a été poussé, à la suite des révélations sur l’espionnage d’un de ses anciens collaborateurs, soupçonné par le Crédit suisse de vouloir débaucher son personnel.
Le New York Times rappelle que pour des faits similaires, un banquier anglais n’a pas été inquiété en 2016. S’il avait été Blanc, Tidjane Thiam aurait-il survécu à cette affaire ? Oui, pense le New York Times. L’article fait en tous cas tousser une partie de la presse zurichoise. Comme le relate le quotidien suisse Le Temps, une certaine « mauvaise foi » traverse actuellement les rédactions de Suisse alémanique qui jugent les accusations de racisme « exagérées ».
Le Tages Anzeiger, cité par Le Temps estime « qu’il n’y a pas de racisme généralisé ou contre Tidjane Thiam en Suisse ». Le déni est à la mesure du trouble engendré par l’article du New York Times. Reste à savoir si cette affaire va entraîner ou non des changements de comportements. Il faut cependant préciser, comme le fait le Guardian que le Crédit suisse dit avoir signé plusieurs chartes pour promouvoir la diversité au sein de son groupe, notamment aux États-Unis. En Angleterre, une politique de tolérance zéro vis-à-vis du racisme a même été mise en œuvre.
Rfi