Depuis quelques mois, l’Office togolais des recettes (OTR) mène une campagne de sensibilisation sur le « civisme fiscal ». Commencée par une intense campagne de presse, l’opération du Commissaire général Tchodié vient de prendre une vitesse de croisière dans ce qui semble être un tournant burlesque, dégoûtant, en faisant d’Emmanuel Adebayor, l’ex-capitaine emblématique des Eperviers, l’ambassadeur de l’OTR.
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Un accord a été signé dans ce cadre, le 13 juillet dernier, entre la SEA Foundation (Fondation Sheyi Emmanuel Adebayor) et l’OTR.
L’ancien attaquant d’Arsenal, Manchester City et du Réal de Madrid devient ainsi le porte-flambeau de la campagne. Les oiseaux de la basse-cour togolaise n’ont pas fini de ricaner à la nouvelle. Le multimillionnaire en Euros Emmanuel Adebayor, qui a sa fortune à l’étranger, est-il légitime à être la mascotte, la vitrine d’une opération publique dont le but proclamé est d’inciter les contribuables à consentir au paiement de l’impôt ?
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Certes, la question du civisme fiscal est importante pour toute nation. Structurante, même… Elle l’est encore plus maintenant alors que nos finances publiques sont dans la tourmente (à l’étiage), que l’Etat est régulièrement taxé d’être incapable à lever les impôts, que le pays est cité comme le champion en évasion fiscale en Afrique de l’Ouest… sinon le champion du monde, si les fuites de capitaux étaient rapportés au PIB de la nation.
Sans doute, dans un pays où les populations sont ignorantes de leurs devoirs mais promptes à réclamer des droits et à attendre beaucoup de l’Etat, une telle instruction du citoyen togolais sur le consentement et l’importance des impôts est d’une nécessité absolue.
Mais il faudrait plus. Il faudrait qu’elle fasse l’objet d’un débat public.
Car, dans toute nation, la question du civisme fiscal renvoie à son contraire : l’incivisme fiscal. Un terme qu’occulte ce matraquage publicitaire orchestré par l’OTR sous couvert de la présidence et du ministère des Finances. En quoi consiste l’incisme fiscal ? Pourquoi y a-t-il ?
La question de l’utilité de l’impôt qui est un principe cardinal ne veut que les impôts doivent servir uniquement l’intérêt général. Est-ce le cas au Togo ?
La question de l’utilité de l’impôt recouvre également celle de la paix sociale. Quelle est la légitimité des brutalités que les forces de police et militaires font subir aux citoyens de ce pays, quand nos impôts servent à payer leurs salaires et les armes ? Quelle est la légitimité de ces forces qui, au lieu de protéger les populations contre l’insécurité, participent plutôt à les brutaliser ?
L’opulence de la petite « minorité » pilleuse, l’arrogance des mandarins de la haute administration, les détournements de fonds, l’impunité assurée à tous les voleurs, posent la question du consentement, et alimentent l’incivisme fiscal.
Allons plus loin : quel civisme y a-t-il à payer des impôts, s’ils sont d’être détournés, mal utilisés, utilisés autrement que dans l’intérêt du contribuable, voire illégalement utilisés contre lui ?
Le contrat implicite liant tout Etat républicain à ses concitoyens est que chacun de ceux-ci contribue à la chose publique d’un de ses ressources, de son sang, de sa voix.
En contrepartie de quoi, ces intérêts seront considérés dans le grand arbitrage constituant l’intérêt général. Que deviennent ces contributions quand l’Etat prend l’argent et se tire, sans respecter ses engagements… des impôts ou des pizzi.
Tout ceci considéré, la campagne de sensibilisation paraît vouloir faire prendre aux citoyens des vessies pour des lanternes… une vaste opération d’escroquerie fiscale. Il est temps d’arrêter ce jeu de dupes ! La fiscalité est une question sérieuse pour la faire jouer dans le registre des pantalonnades que ceux qui nous mal-mènent affectionnent.
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Source: L’Echiquier N°042