Lundi, matin. Une question est posée sur le réseau social Twitter, par mon ami Aristide E.M. La question est libellée en une phrase : « Qu’est-ce qui vous retient encore dans ce pays ? ». J’ai passé une demie heure à scruter les réactions, et les réponses données par chacun. Très édifiant.
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Mardi, midi. Même réseau social. Des publications sont faites, célébrant la victoire de Clarisse AGBEGNENOU, aux Jeux Olympiques de Tokyo. Publications émanant des Togolais. Publications dans lesquelles l’on exprime la fierté du Togo, pour cette médaille d’or olympique. Quelques minutes plus tard, un tweet de l’Agence Française de presse, ainsi libellé :
Le débat :
Je ne sais pas si on peut qualifier de débats, ces épars échanges. Mais en filigrane, les questions que l’on pouvait se poser (en tout cas moi), sont entre autres : Clarisse est-elle togolaise ou française ? Ne peut-on pas réussir, au Togo ? Doit-on impérativement s’en aller, pour se réaliser ? Qui construira le Togo à notre place ? Etc…
Relisons la question :
J’ai envie de reformuler la question initiale. Celle d’Aristide. Peut-être l’a-t-on mal interprété, peut-être n’a-t-il pas bien formulé sa question. Parce que, à mon avis, prise comme ça, cette phrase questionnait notre patriotisme, notre sentiment d’appartenance, notre amour pour le Togo, et tout ce qui va avec. En tout cas, c’est mon ressenti, en parcourant les réponses à son tweet. Beaucoup se sont illustrés par de très belles déclarations, envers la patrie. De l’intime conviction d’avoir un rôle à jouer, à la déclaration de bien-être, en passant par le cordon ombilical qui y est enterré, honnêtement, c’est à y verser des larmes.
De l’amour pour le Togo :
Je suis d’une profonde incrédulité face à ceux qui font une relation entre « aimer le Togo » et « y vivre ». Tout comme j’abhorre ceux qui claironnent cette phrase du discours de John F. Kennedy, sans la replacer dans son contexte spatio-temporel. Vous savez, cette histoire de ne pas se demander ce que le pays peut faire pour nous, et tout ça, tout ça.
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D’où croyons-nous que ceux qui vivent au Togo, l’aiment plus que ceux qui n’y sont pas ? Par quel hâtif jugement, traitons-nous de lâches ou de faibles, ceux qui sont hors des frontières ? Par quelle magie mesurons-nous l’amour du Togo à l’aune des années passées à y résider ?
De l’utilité pour le Togo :
Et si on arrêtait d’être simplement « amoureux » du Togo, pour lui être enfin utile ? Parce que lorsqu’on questionne un peu les flux et les chiffres des transferts monétaires, on a la nette impression que ceux qui sont partis sont beaucoup plus « utiles » à l’économie que ceux qui y sont. On a l’impression que ceux qui partent participent beaucoup plus à la « construction » du pays que ceux qui y vivent. Au propre comme au figuré.
A quoi ça sert de vivre dans son pays, et d’y végéter, d’être une charge pour soi, pour son entourage, et pour les proches qui sont partis ?
Cela étant, il y a ceux qui sont véritablement heureux ici, qui se réalisent totalement. Cela existe, des histoires de succès locales. Des personnes heureuses et accomplies, car le bonheur, il faut le souligner, est subjectif. Cependant…
Ceux qui partent…
Ne sont pas forcément les moins patriotes. Et les raisons à l’expatriation diffèrent tellement d’une personne à une autre.
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Il y a ceux qui ont tout perdu, dans ce pays. Ceux qui ont tout essayé, mais qui n’ont absolument rien en retour. Ceux qui ne croient plus en un quelconque accomplissement personnel, sur le territoire national. Vous les voyez tous les jours, sans connaître leur histoire. Il y a ceux que la patrie a oublié. Parce que oui, il y a des gens, laissés sur le côté.
Il y a ceux qui partent, malgré une situation socio-professionnelle confortable et même enviable ici. Ceux qui partent, non parce qu’ils n’ont plus d’espoir, mais parce qu’ils veulent juste donner d’autres chances, à leurs enfants : celles de les faire grandir dans des environnements beaucoup plus sensibles au mérite. Dans des endroits où les droits sont respectés, par exemple.
Au-delà…
D’une part, il y a comme cette incapacité du togolais à se définir dans l’Universel. Ce manque de vision qui nous empêche de nous voir établis et prospères dans d’autres territoires. Cette peur qui nous interdit de nous projeter dans le monde, et nous ratatine à ces 56.600km² que nous ne connaissons même pas, dans son entièreté.
D’autre part, le pays nous le prouve à plusieurs reprises. Il est fier de tous ces enfants, mais l’est encore plus, de ceux qui se sont réalisés, parfois loin de lui. « Le succès a de nombreux pères », dit le dicton.
Aujourd’hui, on clame la fierté envers une médaillée d’or, fut-elle porte-drapeau d’une autre nation. Au même moment, on signe un communiqué réclamant les Smartphones offerts par les Jeux Olympiques à des athlètes de notre délégation. Oui, quand on est togolais, peut-être ne mérite-t-on pas, un Samsung Galaxy de dernière génération. C’est comme ça, que le pays traite ces enfants qui lui sont fidèles.
Pour finir…
La Grâce est disponible, partout. Et on ne peut construire son pays en étant soi-même détruit, ou malheureux. Parfois, la préparation pour sa destinée se fait ailleurs. Si l’accomplissement personnel passe par l’expatriation, grand bien vous fasse. De toutes façons, l’histoire de l’humanité est faite de migrations diverses. Et ce pays n’acclame que ceux qui « reviennent de quelque part. »
La seule chose qu’on respecte, c’est le succès. Peu importe là où vous le rencontrez.
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