Le président de la Cour Suprême du Togo, Yaya Bawa Abdoulaye, vivement préoccupé par les maux qui minent la justice, était jeudi 26 août 2021, face aux médias afin de parler des récurrentes plaintes et critiques que portent les justiciables contre l’appareil judiciaire togolais.
Devant la presse, le président du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas mâché ses mots. Le Magistrat Abdoulaye Yaya a fait l’état des lieux de la justice togolaise, relevé les dysfonctionnements constatés et appelé ses pairs à un changement de comportement.
« La justice mérite l’exaltation, par ses missions au sens pascalien. Elle est gardienne de la paix civile, rempart contre les injustices nées du déséquilibre des situations, ultime recours là où d’autres institutions ont échoué, elle est l’arbitre où vient se réfugier, la règle de droit », a-t-il rappelé dans ses propos.
Selon le haut magistrat, la lenteur de la justice révèle surtout d’un manque chronique de moyens matériels et humains (insuffisance de magistrats et greffiers). Mais cette lenteur, a-t-il fait observer, n’est pas le seul problème qui inflige des souffrances au justiciable.
« Lorsque le justiciable n’est pas au courant de ce qui se passe avec son dossier, il vient à porter des jugements sur la justice dans son ensemble. Certains magistrats tirent profit de cette situation, et nul ne doute qu’ils ne sont pas les initiateurs de cette désorganisation constatée dans certaines juridictions. En effet, il nous a été donné de constater que certaines juridictions croupissent sous le poids des dossiers à cause d’une mauvaise organisation du travail. C’est ainsi que les parties n’arrivent plus à suivre l’évolution de leurs dossiers, car ne connaissant plus les dates de renvoi des délibérations. Ces dossiers sont souvent vidés à l’insu des justiciables et de leurs conseils régulièrement constitués à leurs côtés. Cette situation s’observe dans certaines chambres au niveau surtout de la Cour d’appel de Lomé et du Tribunal de première instance de Lomé et elle n’est pas sans jeter du discrédit sur toute la justice », a déclaré M. Abdoulaye.
Le Président de la Cour Suprême dénonce aussi et surtout, la « facilité et l’insouciance » avec lesquelles des magistrats et auxiliaires de justice gèrent certains dossiers dont ils ont la charge, créant ainsi une insécurité judiciaire. Il pointe du doigt essentiellement la gestion des affaires foncières.
« Il n’y a pas de jour où ne défraient des scandales d’affaires foncières impliquant des magistrats, avocats, huissiers, officiers de police judiciaire, officiers supérieurs, voire des autorités civiles, lesquelles n’hésitent pas à s’approprier des terrains au détriment des pauvres justiciables. Ils n’hésitent pas à inciter les mauvais perdants à initier des procédures de tierce-opposition contre des décisions définitives pour reprendre la procédure. Certains magistrats n’hésitent même pas à ordonner des transports des jours non-ouvrables et à trancher des affaires en cabinet. L’autre paire de manches est le problème récurrent des démarcheurs et des gros bras à la solde de certains acteurs de la justice. Tous ces comportements répréhensibles jettent du discrédit sur toute l’institution judiciaire, voire sur l’Etat en général », a-t-il martelé.
Le président de la Cour Suprême pour finir, a convié les auxiliaires de justice que sont les avocats, notaires, experts, OPJ, huissiers, commissaires-priseurs et autres qui se livrent eux-aussi à ces pratiques malsaines, au respect de toutes les phases des procédures judiciaires afin de contribuer au rayonnement du droit au Togo.
« (…) Je crois qu’il n’est pas trop tard de nous ressaisir, j’appelle tout le corps judiciaire à une prise de conscience argue et de responsabilité dans la gestion des affaires », a-t-il lancé.
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