Scandale : parfums, billets de voyage… ces milliards de recettes à l’aéroport de Lomé que vous ne soupçonniez pas

 

Les petits cadeaux de voyage sont désormais taxés par la douane à l’aéroport de Lomé. C’est la mesure phare contenue dans le Guide du voyageur, édition de janvier 2022 de l’Office togolais des recettes (OTR), statuant sur les droits et obligations des passagers. Un véritable coup de massue sur la tête des voyageurs, notamment des Togolais de la diaspora. Une mesure assez impopulaire à la limite du cynisme pour renflouer les caisses de l’Etat et qui suscite l’indignation générale.

 

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Il est fixé, depuis janvier dernier, de nouveaux seuils de franchises pour les marchandises aux frontières aériennes du Togo et tout dépassement est taxé. Les franchises sur la valeur des marchandises doivent être inférieures ou égales à 100 000 FCFA pour les adultes et 50 000 FCFA pour les mineurs.

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S’agissant de la quantité des marchandises, ces franchises sont de : cigarettes <= 50 unités ; cigares <= 10 unités ; tabacs à fumer <= 50 grammes ; champagne <= 2 litres ; vins et vins mousseux <= 2 litres ; boissons distillées et boissons spiritueuses <= 2 litres ; alcool éthylique non dénaturé de 80% <= 1 litre ; bières <= 5 litres ; chocolat et friandises <= 2 kg ; eau de toilette <= 0,25 litre ; parfum <= 50 millilitres ; bijoux personnels en or ou en argent <=50 grammes.

Le voyageur ne peut désormais ramener qu’un (01) seul appareil-photo, dix (10) pellicules, une (01) caméra, un (01) instrument de musique, un (01) poste de radio, un (01) micro-ordinateur contenant des données personnelles, une (01) tente (et accessoire), un (01) équipement de camping, un (01) équipement de sport composé d’articles spécifiques et personnels, une (01) seule paire de raquettes de tennis et des denrées alimentaires dans les proportions correspondant aux besoins personnels du voyageur, s’il ne veut pas dépasser ces seuils et se voir taxer.

Les voyageurs se rendant dans les Etats non membres de l’UEMOA ne doivent pas avoir sur eux comme argent de poche un montant excédant la contre-valeur de deux millions (2.000.000) de francs CFA. Au cas échéant, ils sont tenus de se rendre au bureau de douane pour remplir les formalités de déclaration de devises. Tout montant excédant la contre-valeur sus-indiquée qui ne sera pas déclaré par le voyageur fera l’objet de saisie par la douane, informe-t-on.

« (…) Tout dépassement aux franchises accordées, notamment les franchises sur la valeur, la quantité et les effets personnels, est soumis à l’accomplissement des formalités douanières qui aboutissent au paiement des droits et taxes dûs contre délivrance d’une quittance de paiement sécurisée. Lorsque le voyageur se trouve dans l’incapacité financière de payer ces droits et taxes dus, la douane consigne les bagages ou colis et lui délivre une fiche de consignation qui relate les informations relatives à la marchandise, son propriétaire et le vol. Cette fiche de consignation permettra au voyageur d’avoir accès au bureau de douane afin de récupérer ses bagages après paiement des droits et taxes dûs. Tout voyageur est tenu de se conformer aux formalités douanières jusqu’à leur aboutissement », informe le Guide du voyageur.

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Réduction des cadeaux et indignation générale

« Ce sont des dispositions du code des douanes national. Ce n’était juste pas appliqué », justifie une source du service de communication de l’OTR. On parle notamment de l’article 3, alinéa 1er. Soit. Cette nouvelle mesure constitue sans doute du pain béni pour les agents préposés à la douane, déjà pas réputés trop courtois et conciliants,  de faire davantage de zèle, embêter les voyageurs et faire du business… Ils ont là sous la main un nouvel instrument pour justifier leur zèle habituel et multiplier les tracasseries à l’encontre des voyageurs. On risque d’assister donc à des altercations et surtout voir la corruption s’intensifier. Mais au-delà, ce sont les implications de cette décision de l’OTR qui posent problème.

« C’est absurde, le nombre limite des franchises. Je ne me suis rendu dans aucun pays pour le moment où on limite le nombre de laptops personnels qu’on peut transporter gratuitement à un » ; «Ils ont limité drastiquement les petits cadeaux que les gens peuvent même apporter à leurs familles au pays (chocolat, parfum et même les médicaments). Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela signifie simplement que tu ne peux plus ramener un ordinateur à un fils, une fille, un neveu ou une nièce  pour ses études, il faut payer des taxes. C’est extrêmement grave et cynique, ce guide ! » ; « Eux les barons, leurs maîtresses et enfants, ils pourront facilement faire rentrer ce qu’ils veulent, parce qu’ils ont des passe-droits ou même les moyens pour payer les taxes. Mais le Togolais ordinaire, non ».

Ces réactions compilées, aussi bien dans le rang des compatriotes de la diaspora qu’au sein de l’opinion nationale se recoupent et expriment un ressenti commun : l’indignation générale. En effet, l’on est outré que le pouvoir cinquantenaire de Lomé limite aussi drastiquement les franchises et veuille taxer les petits cadeaux que les gens ramènent souvent de voyage à leurs proches pour leur faire plaisir. L’effet que cette mesure  entrainera, à coup sûr, c’est la réduction ou même l’élimination de ces gadgets de voyage. Devant les taxes qui, généralement, sont chères au Togo, beaucoup préféreraient ne plus en ramener pour se faire embêter par les agents préposés à la douane  ou devoir payer chèrement. On peut donc comprendre cette indignation générale.

Le régime semble se faire harakiri sans s’en rendre compte. Cette mesure risque d’impacter la politique de drague ou d’hameçonnage de la diaspora assurée par le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Togolais de l’extérieur, Prof Robert Dussey. « C’est une manière de dire aux gens : ne rentrez plus chez vous, ou rentrez avec des valises vides. C’est un désaveu terrible pour ce machin-truc de HCTE (Haut conseil des Togolais de l’extérieur, Ndlr) avec tous les appels à la diaspora », glose un compatriote.

 

 

Volonté de saigner les voyageurs

Le pouvoir de Lomé ne manque pas d’occasion pour saigner les Togolais qui vivent déjà dans une précarité ambiante et renflouer ses caisses. Mais cette mesure scintille une volonté de siphonner davantage les pauvres citoyens. Car parlant de l’aéroport international de Lomé, il profitait déjà suffisamment des voyageurs.  Explication.

Lomé est en effet l’un des aéroports où, à cause des multiples taxes qui les grèvent, les billets d’avion sont les plus chers de la région. Ce qui pousse de nombreux compatriotes (de la diaspora) rentrant au pays, à descendre par les aéroports des capitales  voisines, notamment Cotonou ou Accra. Selon les informations de sources crédibles, sur un billet acheté à Lomé et celui acquis à Cotonou ou Accra, le voyageur des capitales  béninoise et ghanéenne économise entre 150 à 200 000 FCFA là-dessus dans certains cas. Les compagnies aériennes ont toujours accusé l’Etat togolais d’être responsable de la cherté des billets par le biais des taxes.

Par ailleurs, l’aéroport de Lomé a vu ses recettes augmenter par une nouvelle liée à la crise sanitaire à coronavirus, le test Covid PCR. Depuis presque deux (02) ans, il a perçu ces fonds sur les voyageurs aussi bien à l’arrivée qu’au départ de Lomé. Au début à  40 000 F, le prix a été ramené à 25 000 FCFA, dans une dynamique d’harmonisation régionale. Qu’à cela ne tienne, ce sont des centaines de milliers de voyageurs qui passent annuellement par l’aéroport de Lomé et des dizaines de milliards de recettes qu’il a faites depuis bientôt deux ans et donc ne compte pas lâcher le morceau, malgré la suppression de ces tests dans beaucoup de pays. C’est ce dessein qu’a mis à nu l’incident avec l’humoriste togolais Frédéric Gakpara…Le hic dans toute cette histoire, c’est qu’aucun compte n’a été fait sur ces recettes à qui que ce soit.

Malgré tout ce saignement déjà des voyageurs, l’aéroport de Lomé n’est pas satisfait et trouve nécessaire de les frapper davantage au portefeuille avec cette affaire de limitation drastique des franchises et de taxation des petits cadeaux de voyage. Si ce n’est pas du cynisme, cela y ressemble énormément. D’autant plus que « les recettes, on peut les trouver ailleurs au Togo au lieu de chercher à spolier les voyageurs », comme le fait observer cette concitoyenne, et d’éclaircir sa pensée avec une proposition concrète : «Au lieu d’augmenter les taxes, en menant une lutte implacable contre la corruption dans l’administration et les sociétés d’Etat, ils pourront recouvrer beaucoup d’argent…Mais ils ne veulent pas parce que ce sont eux-mêmes les corrupteurs et  les corrompus, les acteurs de ce fléau qui nuit gravement à l’économie nationale ». No comment!

 

Avec L’Alternative