La boulimie du pouvoir devient obsessionnelle et maladive chez le président de la République, Faure Gnassingbé. Les mots ne sont pas trop forts pour le dire. Nul besoin d’être un homme en blouson blanc chevronné pour établir ce diagnostic.
Depuis 2005, où il est arrivé au pouvoir, avec un air d’innocence, dans un bain de sang des milliers de togolais, le prince héritier de PYA s’emploie, venitenimpotest, à écarter tous ses adversaires politiques. Il ne rate aucune occasion pour démontrer, que son « trône familial » vaut mille fois plus que la vie de tous les Togolais.
Quel que soit votre appartenance politique, opposition ou de son clan politique, vous pouvez tout faire sauf lorgner le pouvoir ou essayer de le raisonner sur la nécessité de garantir la paix et l’alternance dans le pays. Beaucoup en ont fait les frais.
En 2005, pour avoir osé alerter l’opinion sur le danger qui guette le pays en cas de passage en force du régime RPT, après la mort du Général Eyadema Gnassingbé, l’ancien ministre de l’intérieur de l’époque, François Akila Esso-Boko a failli laisser sa peau. Il n’a eu la vie sauve, que parce qu’il s’était plié à la loi du silence imposée par Faure Gnassingbé et la soldatesque de son géniteur.
Plus besoin de rappeler que, deux (02) jours avant les élections d’Avril 2005, l’homme a démissionné de son poste de ministre de l’intérieur, non sans faire part de son inquiétude pour l’avenir de la nation togolaise.
« Il s’en est suivi une série de négociations. Le pouvoir n’avait pas accepté le fait que depuis plusieurs semaines, j’ai quand même tiré sur la sonnette d’alarme en expliquant aux généraux, à la classe politique au pouvoir qu’on ne peut pas continuer d’aller dans ce sens et cela risquait de se terminer en bain de sang. Comme je n’ai pas été suivi, j’ai démissionné », a déclaré en 2010, l’ancien ministre Boko, sur TV5 monde.
Et d’ajouter : « Le pouvoir a pris cela comme une trahison. J’étais donc recherché, des négociations ont eu lieu entre la France l’Allemagne, l’Union européenne et le pouvoir et finalement ils ont accepté que je puisse quitter le territoire contre une résiliation et un silence ».
L’histoire politique récente de notre pays, nous apprend donc que, face à l’entêtement du régime Rpt, maintenu pas un petit clan qui ne veut lâcher le pouvoir pour rien au monde, ce qui devrait arriver arriva en 2005. Des milliers de Togolais ont payé de leurs vies, le prix fort de la conservation du pouvoir.
L’autre victime de Faure Gnassingbé (issue de son propre camp), dans cette obsession du pouvoir, reste sans doute son ancien bras droit, Pascal AkoussoulèlouBodjona. L’ancien ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales a payé les frais de son zèle au côté du président de la République.
Trempé dans une affaire dite d’escroquerie internationale, l’ancien ministre grand format a appris à ses dépens qu’il ne faut être nullement, plus royaliste que le roi Faure Gnassingbé, et que lui seul doit être sous les feux de la rampe. Pire, il ne faut pas être bien vu par ses adversaires politiques.
Après avoir passé plus de 500 jours dans les bagnes de la prison civile de Tsévié, l’ancien porte-parole du gouvernement a été libéré sous le vocable « provisoirement ». Ce qui sous-entend que ce dossier est mis au frigo et qu’il peut être réchauffé à tout moment, au gré de l’humeur de Faure Gnassingbé ou de l’attitude du concerné. Et visiblement, le natif de Kouméa a choisi la voie de la sagesse qui est le silence, que de s’attirer encore les foudres d’une justice à la solde du prince de PYA.
Depuis sa libération provisoire, ce dinosaure politique s’est mué dans un silence sépulcral, alors que face aux derniers déroulements de l’actualité, beaucoup de Togolais auraient aimé entendre son avis. Même ses apparitions lors du dernier dialogue inter-togolais entre la C14 et le pouvoir en 2018, ont été éphémères.
« Le rêve du chien reste dans son ventre », dit l’adage populaire. En tout cas, face au rouleau compresseur que lui-même a contribué à ériger, Pascal Bodjona a préféré payer le prix de la liberté : le silence.
Quid d’Agbéyomé Kodjo et cie
Agbéyomé est le dernier fils de la maison à se « rebeller » et à lorgner le fauteuil monarchique. Mais il se verra appliquer aussi la loi du silence. Elle est d’or, cette loi dans les arcanes du pouvoir Rpt-Unir.
En effet, investi comme candidat de la dynamique Kpodzro pour le scrutin présidentiel du 22 février 2020, l’ancien premier ministre s’est auto-proclamé vainqueur avant les résultats provisoires de la Commission nationale électorale indépendante (CENI) et leurs confirmations par la Cour constitutionnelle.
Dans la foulée, l’homme de Tokpli, a nommé un premier ministre issu de la Diaspora en la personne d’Antoine Nadjombé. Le député a livré également des discours à la nation togolaise sous sa casquette de « président démocratiquement élu).
Le Procureur de la République avait qualifié ses actes « d’une extrême gravité et de nature à troubler indubitablement l’ordre public et à mettre en danger la sécurité publique ».
La levée de l’immunité parlementaire d’Agbéyomé Kodjo, par ses collègues de l’Assemblée nationale a pavé le chemin pour la procédure judiciaire mis en branle en son encontre.
Il est arrêté le 21 avril 2020, dans une violence de rare intensité et conduit dans les locaux du Service central des recherches et d’investigations criminelles (SCRIC).
Plusieurs voix se sont élevées pour exiger sa libération et préconiser que cette crise post-électorale soit résolue sur le plan politique.
C’est ainsi qu’après avoir passé trois (03) jours dans les locaux du SCRIC, il est présenté devant le Procureur de la République, avec plusieurs de ses collègues de la dynamique Kpodzro dont son porte-parole, Brigitte Kafui-Adjamagbo et son directeur de campagne, Fulbert Attisso, puis devant le juge d’instruction, qui les a relâchés sous quatre (04) conditions.
Il s’agit notamment pour Agbéyomé Kodjo et compagnies, l’obligation de déférer aux différentes convocations des juges aussitôt qu’il en sera requis, l’interdiction de quitter le territoire sans l’autorisation expresse des juges, l’interdiction de faire toute déclaration tendant à la remise en cause des résultats du dernier scrutin présidentiel du 22 février et l’interdiction de tous propos, déclarations ou attitudes tendant à remettre en cause et à saper l’ordre constitutionnel et institutionnel existant.
On comprend aisément qu’à travers ces conditions surtout les deux dernières que Faure Gnassingbé et ses sous-fifres de la justice, viennent une fois encore d’imposer leur loi du silence à un adversaire politique devenu trop « gênant ».
Dans la perspective de sa prestation de serment pour un mandat de trop, tout doit être au calme. Aucun chien ne doit aboyer, aucun oiseau ne doit roucouler.
Nul ne peut donc nous reprocher de pousser le Rubicon trop loin si l’on glose que « la boulimie du pouvoir de Faure Gnassingbé est à son paroxysme et que le fils du général Eyadema se soule de la rançon du silence de ses adversaires politiques ».
En somme, Faure Gnassingbé, le fils d’Etienne et de Sabine, mérite véritablement, une thérapie de choc pour comprendre que le pouvoir n’est pas une fin en soi et qu’il y a une vie après la présidence.
Le Panafricain N° 033