En cette période morne où tout semble très fade, le réchauffement du landerneau politique est encore venu du président de la République. Alors que l’opposition se préparait à donner le ton en renouant avec les manifestations publiques pour ne pas traverser le dernier trimestre de l’année 2020 comme un groggy fantôme, Faure Gnassingbé n’a pas raté l’occasion de répondre du tac au tac en sortant de son chapeau magique, l’un des tours à donner le tournis.
Claude François avait ses Claudettes, Faure Gnassingbé a ses Faurettes. A l’instar de la vedette de la chanson adulée par la “génération yéyé”, Faure Gnassingbé a choisi d’incorporer ses danseuses à paillettes à son équipe pour continuer d’assurer le show. Ce casting n’a pas été fait sans que les candidates se soient donné des griffes auparavant. Reckya Madougou et son clan ont réussi à évincer tous leurs concurrents de la présidence. Désormais, elle devient la maîtresse incontestée des lieux.
Fin de piste ou piste de fin ?
La nomination de Mme Victoire Tomégah Dogbé au poste de Premier ministre est un coup politique magistral, signé Faure Gnassingbé et ressemble fort aux deux visages de Janus. En effet, si le chef de l’Etat s’illustre ces derniers temps par la promotion de la femme aux vraies instances décisionnelles, il n’en demeure pas moins qu’en portant Mme Tomégah Dogbé au pinacle, cette consécration, comme la célébration des anniversaires dans la vie des humains, la rapproche plus d’une porte de sortie.
Quel caillou dans les chaussures de la nouvelle PM ?
L’accueil de la nomination de Mme Dogbé et les commentaires qui s’en sont suivis ont fourni les premiers indicateurs d’un bon casting en suivant les règles du politiquement correct. Pour ne surtout pas être soupçonnés de misogynie face à cette gynécocratie à tout-va, les hommes ont particulièrement fait bonne figure à travers leurs réactions. Si la saison semble bonne pour les opportunistes et les laudateurs de tout acabit, le vrai challenge qui attend Mme Dogbé n’est pas du fait de la prédation des hommes mais des femmes, des nombreuses femmes qui constituent la constellation autour du chef de l’Etat. Il n’est un secret pour personne qu’une guerre des femmes a toujours couvé au palais de la Marina. Comme des coépouses, elles n’hésitent pas à redoubler d’ardeur pour capter l’attention du président de la République, quitte à se donner des coups, à jouer des coudes ou à se griffer le visage par personnes ou fan-clubs interposés.
A ce jeu, Mme Dogbé s’en est jusqu’ici bien sortie. Sauf qu’avec son déménagement à la primature, elle perdra sûrement la bataille spatio-temporelle qui veut que celui qui est à côté du chef de l’Etat, est susceptible de lui chuchoter vite à l’oreille et d’influencer les choses. Nul n’ignore que dans la configuration politique de nos “démocraties en construction”, un PM n’existe habituellement que de nom et ne vaut pas plus qu’une potiche. Un effacement qui ne sera pas du goût de Mme Dogbé qui a connu ce que c’est qu’influencer les décisions du plus puissant des Togolais, dans son rôle indéboulonnable de directrice de cabinet de la présidence, et photographe débonnaire du chef de l’Etat à ses heures perdues. La publication de la liste des futurs membres du gouvernement donnera une idée de ce que seront les pugilats multiformes entre femmes aux Conseils des ministres, dans les relations inter-institutionnelles et dans l’animation de la vie du parti présidentiel.
A quoi s’attendre au bout du rouleau ?
Soit Mme Dogbé portera son costume plein de PM et en profitera pour écraser la concurrence, soit elle ne durera pas à son poste, sous les tirs croisés et nourris de ces rivales. Au finish, l’opposition togolaise n’a aucun poids pour briser Faure Gnassingbé, mais la guerre des femmes, pourrait faire le boulot à sa place. La multitude de Dalila sonnera-t-elle le glas ?
Ambroise DAGNON