Sérail : 12 ans déjà, à quand la réconciliation Kpatcha et Faure Gnassingbé?

 

 

Condamné à 20 ans de prison dans la nébuleuse affaire de tentative d’atteinte contre la sûreté de l’État, Kpatcha Gnassingbé célèbre bientôt un triste anniversaire. Il s’agit de sa 12ème année de détention. L’ancien ministre de la Défense et député de la Kozah et ses coaccusés ont déjà purgé la moitié de leur condamnation. Cette détention hypothèque sérieusement toute initiative de réconciliation, tant du pays que de la famille du chef de l’État.  

 

 

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« Après la fusillade de Pâques et l’interpellation de suspects pour audition, il s’est avéré que le député de la Kozah, et demi-frère du président Faure Gnassingbé, était l’un des principaux organisateurs d’un complot dont les conjurés entendaient de façon concertée profiter de l’absence du président Faure Gnassingbé -en déplacement en Chine- pour organiser un coup d’État destiné à écarter les autorités légales du Togo et à prendre le pouvoir. Face à la gravité de ces informations, les autorités ont aussitôt lancé un mandat d’arrêt contre Kpatcha Gnassingbé. Dans la nuit de dimanche à lundi, une violente rébellion armée s’était opposée aux forces de l’ordre venues interroger des suspects au domicile de Kpatcha Gnassingbé à Lomé ».

C’est ainsi que le site de propagande du gouvernement togolais décrivait les conditions de l’arrestation de Kpatcha Gnassingbé, le mercredi 15 avril 2009. Cette arrestation a été précédée, trois jours plus tôt, de l’assaut donné contre le domicile du député par les hommes du Général Félix Kadanga à l’époque Colonel. Mais dans la réalité, c’était une tout autre scène qu’ont vécue et racontée les témoins de cette « tentative d’assassinat » du demi-frère de Faure Gnassingbé. Des armes de guerre avaient été utilisées.

 

 

 

 

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A chaque période des Pâques, les souvenirs de la fusillade et de l’arrestation de l’ancien ministre de la Défense refont surface. Cette année 2021, cela fait donc 12 ans qu’il est privé de liberté, lui qui s’était montré solidaire de son frère à la mort de leur père en 2005. Malheureusement, aux souffrances dues à la privation de liberté se sont greffées celles des mauvaises conditions de détention. A plusieurs reprises, le député de la Kozah a souffert de maladies qui ont nécessité l’intervention de spécialistes qu’il a eu toutes les peines du monde à obtenir. Comme lui, plusieurs de ses compagnons de misère ont été gravement malades sans avoir accès aux soins appropriés.

 

 

 

L’affaire Kpatcha Gnassingbé, c’est tout sauf une détention arbitraire. En décembre 2014, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a indiqué que la détention de Kpatcha Gnassingbé et de ses co-accusés était arbitraire. L’institution recommandait aussi au gouvernement « de procéder sans attendre à la libération » des détenus. Quelques mois plus tôt, en juillet 2013, la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait qualifié le procès ayant abouti à la condamnation de Kpatcha Gnassingbé d’inéquitable, évoquant les actes de torture subis par les prévenus. L’État a été condamné à dédommager financièrement les détenus. Rien n’y fit.

 

Outre le volet judiciaire, les conseils de Kpatcha Gnassingbé ont joué sur le terrain de la conciliation. Depuis leur village natal, des initiatives ont été prises pour obtenir sa libération, en vain. Le détenu a lui-même adressé une demande de grâce présidentielle à son demi-frère, sans succès.

 

 

 

En mars 2020, face à la crise sanitaire, l’ONU avait lancé un appel à la libération urgente de détenus à travers le monde pour éviter que la pandémie de Covid-19 ne fasse des «ravages» dans les prisons souvent surpeuplées. La Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU Michelle Bachelet avait exhorté «les gouvernements et les autorités compétentes à travailler rapidement pour réduire le nombre de personnes en détention», en libérant par exemple «les détenus les plus âgés et ceux malades ». Mais au Togo, les autorités sont restées sourdes à l’exhortation de l’ONU.

 

 

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La dernière action diplomatique en faveur de la libération de Kpatcha Gnassingbé date seulement de février 2021. Dans une lettre adressée au président français, plusieurs organisations de la société civile ont demandé l’intervention d’Emmanuel Macron. « La libération de M. Kpatcha Gnassingbé, demi-frère du président togolais, ainsi que ses codétenus Abi Atti et Tchaa Kokou Dontéma, tous en détention depuis douze (12) ans, malgré leur état de santé délétère… Mais à ce jour, cet ancien député et ses codétenus sont toujours en prison. Nous voudrions vous prier d’aider le Chef de l’État togolais à pouvoir se réconcilier avec sa famille biologique pour donner l’exemple et l’amener également à respecter les décisions des institutions communautaires et internationales, notamment celles de l’ONU », ont-elles écrit.

 

 

Cet appel à la libération de Kpatcha Gnassingbé est lancé, à répétition, depuis plusieurs années, au nom de la réconciliation des fils et filles du Togo, mais aussi de la famille Gnassingbé. Il ne reste qu’à espérer que pour ce 12ème anniversaire de la fusillade de Pâques, Faure Gnassingbé tienne compte de toutes ces voix qui l’ont supplié depuis une décennie pour élargir son frère qui, selon les informations, souffre d’une embolie pulmonaire.

 

 

 

Géraud A. / Liberté