Avec le Sénégal et le Togo qui viennent de se doter chacun d’un data center, l’Afrique progresse en matière d’hébergement de ses données numériques, mais elle reste encore très dépendante vis-à-vis de l’extérieur. Le sujet était au centre d’un débat virtuel entre experts, organisé par la revue spécialisée Ciomag il y a une semaine (le 8 juillet 2021), sous le thème « Data center et souveraineté numérique en Afrique. Quels enjeux pour la sécurité des données ? ».
Dans un environnement où les raccordements sont rares, voire inexistants, l’accès aux données est cher. Les grandes entreprises américaines spécialistes des technologies numériques détiennent aujourd’hui plus de 70% du marché des données.
Comment rendre le continent moins dépendant ? Directeur général de Smart Africa, Lacina Koné évoque la manière pour l’Afrique, de parvenir à sa souveraineté numérique. « La souveraineté numérique repose sur l’idée que l’Afrique peut définir sa propre trajectoire technologique de manière autonome. Cela signifie que l’Afrique possède l’ensemble des capacités à la fois techniques et institutionnelles, pour maîtriser les technologies clés d’aujourd’hui. Cela aussi signifie que l’Afrique peut décider en toute indépendance des choix technologiques et de leur régulation, sans être soumise à des forces extérieures. Donc, à Smart Africa, nous sommes convaincus que cet objectif ne peut pas être atteint par des États seuls. » Smart Africa prône donc une progression commune entre pays africains, précise le patron de Smart Africa, qui comptabilise aujourd’hui les adhésions de 32 pays du continent.
Alors que sur 100 data centers dans le monde, l’Afrique n’en compte qu’un seul, l’augmentation de leur nombre n’est pas suffisante pour assurer la souveraineté du continent, selon Amine Zarouk. Le président de la Fédération marocaine des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring (APEBI) s’en explique, en faisant un parallèle avec l’aviation. « Si on veut développer l’aviation dans un espace, il ne suffit pas de construire que des aéroports. C’est bien entendu très important. Les data centers, c’est un peu le tarmac sur lequel se pose l’avion, qui est le conteneur des données. Il y a également des services et des fournisseurs de services, il y a aussi tout le côté réglementaire lié à la circulation des données. C’est donc extrêmement important d’avancer ensemble. »
Un petit pas vers la souveraineté numérique
Aucun pays africain n’est capable, seul, d’être autonome sur toute la chaîne de valeurs en matière numérique. À l’occasion de la récente inauguration d’un data center au Sénégal, le pays a exprimé sa volonté de rapatrier toutes les données stratégiques de l’administration. C’est un petit pas vers la souveraineté numérique, sachant que pour le matériel, l’Afrique dépend toujours des pays d’autres continents, surtout de la Chine.
Et c’est un handicap, selon Lacina Koné. « Quand on dit des investissements chinois et qu’on doute de la souveraineté, est-ce que les Africains sont à l’abri si ce sont des investissements américains ou européens ? La question reste posée ! Tout le monde a un agenda. La question fondamentale c’est : quel est l’agenda de l’Afrique ? C’est à nous de prendre notre destin en main, c’est-à-dire d’avoir la compétence pour gérer nos données. Et il y a de la compétence pour ça. Les nouvelles ressources aujourd’hui, ce n’est pas le pétrole, ce n’est pas le café, ce n’est pas le cacao. Ce sont les données », assure-t-il.
Pour Lacina Koné, avec plus de 50 pays en Afrique, donc autant de régulations de gouvernance des données, difficile de parvenir à une souveraineté numérique continentale, mais c’est possible. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont conduit à la création de Smart Africa en 2013.
Lire aussi : Les plateformes de Services Financiers Digitaux font leur révolution au Togo
Rfi