Beaucoup de Togolais se posent cette question à laquelle le téléphone arabe trouve des réponses toute faites, comme à l’accoutumée. Ainsi, certains pensent que ces morts sont ensevelis dans des conditions inhumaines notamment sans cercueil à en croire les images qui circulent sur les réseaux sociaux. D’autres estiment que l’enterrement se fait dans des fausses communes.
Qu’en est-il exactement? Eléments de réponses.
Trois (03) mois après la découverte d’un 1er cas de contamination à la Covid-19, plus précisément à la date de 28 juin, la pandémie a déjà tué 14 personnes sur les 615 cas de contamination enregistrés. Ces victimes de la maladie sont enterrées dans des conditions particulières contraires aux normes habituelles connues de tous. Leur inhumation a lieu dans les 24 heures qui suivent le décès. De ce fait, des dispositions sont prises par l’Etat à travers des services sanitaires pour leur assurer un enterrement «digne et sécurisé».
A la suite du décès, les parents de la victime sont, dans l’immédiat, informés de la triste nouvelle par le médecin traitant qui communique également l’information à la Coordination Nationale de Gestion de la Riposte contre la Covid-19, mise en place par le gouvernement togolais. «En informant la famille, le but n’est pas qu’elle vienne retirer le corps comme c’est le cas généralement quand une personne perd un proche durant les soins dans un centre sanitaire. Ici, il s’agit juste d’une information », précise Komlan Ayité, directeur de l’hygiène et de l’assainissement de base au ministère de la santé, service étatique qui assure l’inhumation des personnes décédées de Covid-19 dans notre pays. La famille informée, n’ayant pas droit d’accès au corps mortel, est priée de fournir des informations complémentaires en vue des dispositions à prendre pour l’enterrement. «Il revient à la famille du défunt de nous confirmer l’appartenance religieuse de ce dernier.
Ce qui nous permet de savoir où aller l’enterrer », souligne notre source qui précise que les chrétiens sont inhumés au cimetière de Bè-kpota et les musulmans à Adéticopé.
L’enterrement devant avoir lieu dans 24 heures, le corps n’est plus envoyé à la morgue. «Dans l’immédiat, il est mis dans un sac mortuaire disponible au centre de prise en charge. Si la famille a des moyens, elle fournit le cercueil. Le cas échéant, nous sollicitons le Centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio (CHU S.O) qui nous en fournit aux frais de l’Etat. Dans la foulée, un corbillard est sollicité et rendez-vous est donné à la famille en un lieu un peu proche du centre de prise en charge, pour conduire le défunt vers le cimetière». Telles sont les dispositions prises, rapporte le directeur de l’hygiène et de l’assainissement de base. Pendant que le service sanitaire se charge de réunir les conditions nécessaires, une équipe des pompes funèbres assure la construction de la tombe. Au cimetière s’agissant des chrétiens, il y a possibilité pour la famille de faire venir un religieux pour quelques minutes de prière dans le strict respect des mesures barrières. La plupart des enterrements se sont déroulés entre 18h et 1h du matin.
Bien que deux cimetières soient choisis par le comité de riposte pour les enterrements, les familles ont la latitude de choisir le lieu d’inhumation de leur proche si ce dernier en a émis le vœu, de son vivant. Dans ce cas, la famille assure les charges financières.
«Nous n’excluons pas de telles demandes qui doivent être à la charge de la famille. Ce choix doit se faire en collaboration avec notre équipe pour éviter une contamination. Mais nous ne le conseillons pas aux familles pour des raisons sécuritaires et sanitaires », souligne Komla Ayité.
Eviter d’autres contaminations
La covid-19 étant contagieuse, le comité de riposte a pris des dispositions pour éviter sa propagation durant l’enterrement des personnes décédées des suites du virus. De ce fait, la famille de la victime non seulement n’a pas accès à la dépouille mortelle, mais elle ne voit non plus le corps.Car la traditionnelle mise en bière et l’exposition du corps ne sont autorisées. « Notre devoir est de limiter la propagation du virus. Alors que remettre le corps à la famille pour des rituels habituels occasionnera sans doute d’autre cas de contamination», alerte Komlan Ayité.
Toujours dans le souci d’éviter de nouvelles contaminations par contact avec le cadavre, la dépouille est désinfectée avec des solutions prévues à cet effet. « C’est pour éviter au personnel soignant chargé de la mise du corps dans le sac mortuaire et ensuite dans le cercueil, la contamination » assure le directeur de l’hygiène.
A l’heure actuelle, la contamination à la covid-19 due au contact avec un cadavre n’est pas avérée. Toutefois, la prudence est de mise au Togo. « Personne ne maitrise à 100% le virus. Aussi est-il raisonnable de prendre toutes les dispositions pour éviter des surprises désagréables », lance le responsable de l’assainissement qui confirme que la procédure au Togo, est conforme aux normes recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Pratiques traditionnelles non autorisées
En Afrique et particulièrement dans les communautés togolaises, les morts ont une valeur et sont généralement enterrés selon des principes religieux et traditionnels. Dans le contexte de Covid-19, toutes sortes de rites traditionnels et religieux inscrits dans le cadre de l’inhumation tels que des ablutions sèches, l’enveloppement du corps dans un linceul et la prière pour le défunt sontabrogés. Bien qu’elles relèvent d’une importance capitale pour les familles, elles n’ont pas de conséquences majeures chez les chrétiens.
«Le sens réel de l’entretien du corps mortel et des prières faites lors du décès, c’est qu’en réalité, ils constituent un acte de consolation pour les familles et de marque de sympathie pour ceux qui y prennent part aux côtés de la famille éplorée. C’est la meilleure manière d’honorer la mémoire d’un disparu », soutient le pasteur Roger Kpéglo. Toutefois, il relativise : « dans certaines familles, les personnes décédées reviennent sous d’autres formes pour déranger leurs proches. Ces familles ont besoin de prières. Mais on n’a pas nécessairement besoin de la présence du corps mortel » Par contre, pour les pratiquants animistes, les rites sont indispensables et s’imposent. « C’est beaucoup plus mystique. Et il le faut pour demander aux ancêtres de bien accueillir le défunt chez eux. C’est une cérémonie qui permet également de charger des commissions au défunt pour les ancêtres », informe le prêtre vodou Togbui Affoutou. Toutefois, la situation pandémique oblige à s’adapter et agir autrement.
« Une personne décédée de Covid-19 est comme une personne morte par noyade ou dans un crash d’avion où on ne retrouve pas le corps. Dans ce cas, nous faisons des cérémonies avec la famille en expliquant la situation aux ancêtres », affirme le prêtre.
Ces conditions particulières d’inhumation des personnes emportées par la Covid-19, empêchent leurs familles de leur rendre un dernier hommage mérité. Ce qui suscite de vives émotions dans les familles. « Ça a été difficile et ça continue de l’être pour nous, ne plus voir notre frère parce qu’il est mort d’une maladie contagieuse. Le choc était à son comble. Pendant que nous pleurions sa disparition, nous avions également la peur au ventre d’être aussi déclarés contaminés », raconte le frère aîné d’un décédé de Covid-19.
Pour éviter aux familles de vivre cette émotion, elles proposent des solutions. Un dispositif permettant d’exposer le défunt dans un cercueil vitré pour que la famille et les religieux puissent accomplir leur rite dans le respect des mesures barrières.
Cette proposition est à l’étude au niveau de la coordination de riposte. Mais son aboutissement heureux est douteux. « Voir un proche décédé suscite toujours des émotions. Donc permettre une exposition pourrait générer sans doute de situations auxquelles on ne s’attendrait pas. La prudence est la meilleure solution. Chacun doit comprendre la réalité de cette maladie », lance Komlan Ayité.
Focus Infos No 252