Monseigneur Philippe Kpodzro, archevêque de Lomé pendant une quinzaine d’années, est décédé ce 9 janvier 2024 en Suède, un pays où cet homme d’église devenu opposant s’était exilé ces dernières années.
Originaire du Togo, mais exilé en Suède, Monseigneur Kpodzro est décédé ce 9 janvier 2024 à 93 ans.
L’information a été confirmée ce mardi matin par la « Fraternité des prêtes togolais », réunie en session dans la ville d’Atakpamé.
L’homme d’église, devenu soutien de l’opposition à sa retraite en 2007, était très critique ces dernières années avec le président du pays, Faure Gnassingbé.
Il a manqué son ultime mission, celle qu’il souhaitait « vivre avant de quitter le monde des vivants » : unir l’opposition politique pour tenter d’amener son pays à l’alternance.
Cette lutte, ses prises de position virulentes envers le pouvoir, ont obligé Monseigneur Kpodzro à quitter le Togo pour un exil en Suède, après l’élection présidentielle de 2020.
Dans les années 1990, l’homme d’église a œuvré, a aidé, pour sortir son pays de la crise politique en présidant notamment la Conférence nationale puis en prenant la tête de l’instance chargée de rédiger la Constitution.
Autant d’actions qu’il lui ont donné l’image d’un sage, d’un acteur-clé du Togo qui a tenté, en vain, depuis 2007, de mobiliser l’opposition autour de lui.
Signe de sa perte d’influence, en avril 2023, la DMK, la Dynamique Monseigneur Kpodzro, a changé de nom pour devenir la Dynamique pour la majorité du peuple au Togo.
Il y a deux mois, depuis son exil suédois, Monseigneur Kopdzro affirmait ne plus être en mesure de payer son loyer et assurait : « Mes ennemis ont obtenu ce qu’ils veulent, que Dieu les pardonne ! Quant à moi, j’offre ma vie pour le salut de tout le Togo. »
S’il n’a jamais fait l’objet d’une enquête dans son pays, l’ancien archevêque émérite de Lomé a refusé de rentrer au Togo.
« Il est allé en exil avec sans doute l’espoir de voir le projet d’alternance se concrétiser »
Pour Bergès Mietté, chercheur associé au laboratoire pluridisciplinaire « Les Afriques dans le monde » à Sciences Po Bordeaux, Monseigneur Kpodzro a en tout cas marqué l’histoire du Togo.
« Monseigneur Kpodzro est à la fois un homme charismatique et emblématique qui a incarné la vie politique du Togo contemporain, souligne-t-il au micro de Guillaume Thibault. J’ai eu le plaisir de le rencontrer très brièvement ».
Le chercheur estime en revanche que l’intéressé a raté son objectif : voir son pays connaitre l’alternance politique : « Je pense que ce projet de l’alternance démocratique, Monseigneur Kpodzro a incarné à un moment un peu de ce point de vue-là, dire que ça a été un échec pour l’opposition. Et comme vers la fin de sa vie, il a fait partie de cette opposition-là, cet échec collectif, c’est aussi son échec à lui. »
Il ajoute : « Ce projet n’a pas pu se concrétiser parce que les clivages au sein de l’opposition togolaise sont énormes, et c’est peut-être à l’issue de ces échecs multiples qu’il s’est résolu à quitter le pays, se sentant sans doute en danger. Il est allé en exil avec sans doute l’espoir de voir le projet d’alternance se concrétiser. Hélas, il est parti sans que ce projet-là ne puisse voir le jour. »
Avec RFI
