Pour moi, la Journée internationale de la liberté de presse n’est pas un moment de se retrouver dans une salle climatisée pour parler de notre métier. C’est une occasion plus que jamais à saisir pour attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les conditions dans lesquelles les journalistes exercent leur métier dans notre pays.
La Journée internationale de la liberté de presse, c’est une occasion de parler des maux dont nous souffrons dans la recherche de l’information. Également, dénoncer, bien sûr avec des pancartes, les intimidations, arrestations, manque de respect, rejet dans les services publics, toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
La JIP, C’est un moment précieux à saisir pour dire aux décideurs que nous ne sommes pas des ennemis comme certains l’imaginent, mais des patriotes, des Guinéens soucieux de l’évolution de leur pays, et engagés à fouiller partout pour faire jaillir la vérité.
La JIP, c’est une occasion de dénoncer la violation des lois au profit des intérêts inconnus. La liberté d’expression est bafouée dans notre pays. Les journalistes sont arrêtés et enfermés sans procès, alors que les délits de presse sont dépénalisés en Guinée.
La JIP, c’est un moment de dire à haute et intelligible voix que le journaliste Mohamed Koula Diallo a été tué alors qu’il couvrait une assemblée générale d’un parti politique. Mais, jusque-là, nous ne savons pas qui est coupable. Sa famille, ses collaborateurs et connaissances attendent une justice malheureusement dans les poches de l’Exécutif. Une justice qui n’arrive pas à édifier la lanterne des uns et des autres sur les circonstances exactes de son décès.
La JIP, c’est une occasion pour nous de nous rappeler du journaliste Abdoulaye Bah, décédé alors qu’il accompagnait un ministre de la République. On parle d’un accident de la circulation mais, je vous assure, jusque-là, le résultat de l’enquête dite ouverte, n’est pas donné.
La JIP, c’est une occasion de dire que les journalistes bastonnés, blessés, leurs matériels détruits au PM3 de Matam, sont toujours à l’attente des résultats de l’enquête dite ouverte. Mais, très malheureusement, ceux qui sont dans les secrets de Dieu savent que ce dossier finira sans suite. Ce, à cause de la mauvaise politique de l’appareil judiciaire, et de son incapacité à rendre justice aux victimes.
La JIP, c’est une occasion de rappeler que le journaliste Ibrahima Sory Camara, accusé d’avoir signé un article contre une cheffe de cabinet, a été cueilli comme une ‘’ mangue pourrie’’ devant sa famille et ses voisins. La Direction nationale de la police judiciaire (DPJ), qui n’avait mené aucune enquête, était obligée de présenter des excuses à notre confrère, à cause des bavures de ses hommes.
La JIP, c’est un moment qu’il faut mettre à profit pour dénoncer, condamner, protester contre la détention illégale et prolongée du journaliste Amadou Djouldé Diallo qui, dans un pays où les lois sont respectées, ne devrait pas passer une seule nuit en prison. Mais, pour des positions inédites, des raisons inavouées, l’historien et sportif est toujours en détention. Ce, en violation fragrante de la loi L002 qui dépénalise les délits de presse en Guinée. La Haute Autorité de la communication (HAC), qui devrait servir de pont entre les hommes de médias et les autorités politiques, est quasiment inexistante.
Il faut féliciter et encourager le Collectif de Défense d’Amadou Djouldé Diallo (COSADD), composé d’un groupe de jeunes journalistes qui se bat tant bien que mal pour la libération de leur confrère. Ils ont mené des démarches, rencontré des institutions nationales, des associations de presse. En vain. Ils devront continuer le combat car très bientôt, la vérité et la justice domineront le mensonge et l’injustice.
La JIP, c’est le moment de montrer au monde entier qu’être journaliste en Guinée, c’est exposer sa famille et ses proches au danger. Car, aucune sécurité n’est garantie pour ceux qui font exploser des réseaux qui freinent l’évolution du pays.
La JIP, c’est une occasion de dire à l’opinion internationale que lors des manifestations politiques, les journalistes ne sont à l’abri ni aux côtés des manifestants, encore moins des forces de l’ordre. C’est pourquoi, lors de la présidentielle dernière, des hommes de médias ont été attaqués, blessés, leurs matériels emportés, parce que nous sommes dans un pays où l’insécurité règne en maître absolu. Et cela, personne n’est épargné.
La JIP, c’est aussi un bon moment pour dire à l’opinion internationale qu’en Guinée, notre pays, des journalistes ont été intimidés, convoqués, pour avoir révélé un scandale de détournement dans lequel une ministre de la République est citée. Au lieu que le procureur zélé ne convoque la personne au centre de l’affaire pour s’expliquer, il n’a pu que, pour faire plaisir à celui ou celle qu’il connaît, convoquer les journalistes qui ont révélé la vérité. Pire, le dossier semble être perdu, puisque personne n’en parle.
Voici entre autres sujets qui devraient marquer la journée internationale de la liberté de la presse en Guinée prévue le 3 mai prochain. Ce n’est pas de monter des faux projets pour nous amadouer. Mais, ce qui reste clair, personne ne pourra nous détourner de l’essentiel.
Non à l’intimidation de la presse !
Non à la violation de la L002 !
Non à l’injustice !
Sans presse libre et indépendante, pas de démocratie !
Mohamed Cissé, journaliste.