L’exécutif togolais s’est servi du logiciel israélien de cyber-surveillance Pegasus pour espionner des centaines de ses concitoyens, d’après les révélations d’un consortium de médias internationaux appuyés par des ONG. Opposants, activistes et journalistes sont concernés. Certains, comme l’ex-Premier ministre Kodjo Agbéyomé, sont à peine surpris.
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Le Togo n’est pas épargné par le séisme « Pegasus », du nom de ce logiciel espion qui a eu pour clients des « gouvernements répressifs » dans le monde pour épier des journalistes et des militants politiques.
Le scandale dévoilé le 19 juillet 2021 par l’ONG Forbidden Stories et un consortium de médias appuyés par Amnesty International dans le cadre de l’enquête baptisée « Projet Pegasus », révèle quelques 300 numéros togolais sur les 50 000 désignés comme cibles potentielles du logiciel espion de la société israélienne NSO Group.
Parmi eux, on retrouve ceux de plusieurs opposants au pouvoir de Faure Gnassingbé, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes.
Au rang des opposants, se trouve Tikpi Atchadam, le président du Parti national panafricain (PNP) en exil depuis 2019. Il était l’instigateur des grandes manifestations entre août 2017 et janvier 2019 qui ont sérieusement ébranlé le régime de Faure Gnassingbé.
L’autre opposant [aussi en exil] cité dans ces révélations est Kodjo Agbéyomé, arrivé deuxième à la présidentielle du 22 février 2020, après Faure Gnassingbé, selon la Cour constitutionnelle inféodée au régime. Des résultats officiels qu’il n’a de cesse de contester en réclamant être le véritable vainqueur de ce scrutin.
« Cela ne m’étonne pas ! Si pour une compétition électorale, on peut chercher à éliminer le vainqueur et à corrompre des gens pour se maintenir au pouvoir, me cibler avec Pegasus relève d’une banalité ! », a réagi au micro de Sputnik Kodjo Agbéyomé.
Payer cash
Cet opposant togolais a longtemps fait partie, pourtant, du régime d’Eyadema Gnassingbé, père de l’actuel Président, décédé le 5 février 2005 après 38 ans de pouvoir sans partage. Sous sa présidence, Agbéyomé a été Premier ministre, président de l’Assemblée nationale et plusieurs fois ministres.
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Pour Kodjo Agbéyomé, « ce sont les habitudes de la maison, d’utiliser des moyens toujours plus sophistiqués » pour cibler les adversaires politiques, affirme-t-il. D’après de nombreux observateurs, ces pratiques sont favorisées par les liens entretenus par Lomé avec des réseaux sécuritaires israéliens, le Togo étant un des pays africains les plus proches de l’État hébreu.
Pour sa part, l’opposant togolais dit avoir consulté ses avocats dans l’optique d’engager éventuellement des poursuites contre le pouvoir togolais.
« Je m’organise avec mes avocats dans ce sens. En matière de violation des droits j’ai eu mes doses avec ce régime qui a perdu le sens de l’honneur et de la dignité. Le moment viendra où ces traîtres à la nation paieront cash », avertit Kodjo Agbéyomé.
Des pratiques peu orthodoxes
Trois journalistes connus pour leurs critiques vis-à-vis du pouvoir de Faure Gnassingbé font également partie de la liste des Togolais espionnés, d’après les révélations du Projet Pegasus.
Il s’agit de Carlos Kétohou, Ferdinand Ayité et Luc Abaki. Interrogé par Sputnik, ce dernier dit regretter que le Togo soit cité dans « dans des pratiques peu orthodoxes » au moment où la population togolaise « continue de croupir dans la pauvreté, la précarité et la souffrance ».
Pour lui, l’exécutif togolais devrait chercher à se construire un capital confiance avec son peuple, plutôt que de l’espionner.
« Enfin, je suis heureux qu’ils aient fouillé et n’aient rien trouvé de compromettant. Ils auront ainsi compris que nos prises de position, nos critiques et suggestions ne visent que l’intérêt supérieur de cette nation », a indiqué Luc Abaki.
Des moyens destinés aux terroristes
Le journaliste Carlos Kétohou affirme pour sa part à Sputnik qu’il a été « tétanisé » en apprenant qu’il figurait parmi les cibles de ce logiciel espion.
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« Je me doute bien qu’un profil de journaliste d’investigation et de défenseur des droits de l’homme peut inquiéter certains régimes, mais de là à m’espionner avec des moyens destinés aux terroristes! », a-t-il déclaré en référence à la vocation «légitime» du logiciel espion, telle que présentée par la société israélienne.
Celui qui dit avoir peur désormais pour sa vie et celle de sa famille se rappelle toujours son interpellation musclée suivie d’une détention arbitraire, fin décembre 2020, pour un article « dont l’authenticité n’a pas été établie ». Son journal L’Indépendant Express sera définitivement fermé, quelques jours plus tard, à la suite d’une décision rendue par la Haute Autorité togolaise de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).
Carlos Kétohou appelle de ses vœux que la commercialisation du logiciel espion Pegasus soit entourée d’un certain nombre de garanties pour la sécurité des personnes.
L’exécutif togolais muet
Du côté de l’exécutif togolais, on préfère garder le silence sur les révélations. Contacté par Sputnik, Akodah Ayéwouadan, ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du gouvernement togolais, affirme que «le gouvernement ne s’exprimera pas sur la question».
Déjà le 4 août 2020, une enquête menée par les quotidiens Le Monde et The Guardian avait accusé Lomé de s’être servi de Pegasus pour espionner des leaders religieux et des défenseurs des droits de l’homme. Contacté à l’époque par Sputnik, le gouvernement togolais n’avait pas souhaité réagir.
Pour sa part, le Président Faure Gnassingbé a déclaré, le 14 juillet dans une déclaration au journal Le Monde, au sujet de l’utilisation du logiciel espion dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que « chaque État souverain s’organise pour faire face à ce qui le menace avec les moyens dont il dispose ». Interrogé sur son utilisation contre ses opposants, il a botté en touche.
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