C’est un secret de polichinelle. Au Togo, le tissu social est vulnérable. Et ce, depuis ces vingt dernières années. A la base, les atermoiements et dissensions politiques à n’en point finir qui le fissurent, au fil des années, au point de le rendre si fragile.
Entre autres acteurs actifs de cette situation déplorable, la grande muette. Ses intrusions, très souvent fatales, dans la vie politique du pays, ajoutées aux dérives et bavures aux conséquences dramatiques ont fini par creuser un fossé entre les Forces Armées Togolaises (FAT) et la population civile. Une inimitié latente voilée par des artifices, mais qui refait surface, à la moindre occasion, tant les acteurs sont à fleur de peau. En nommant Marguérite Essozimna Gnakadé au très stratégique poste de ministère des Armées, dans le nouveau gouvernement dont l’une des missions est de travailler à l’inclusion sociale, la question se pose, dès lors, de savoir si Faure se lance l’ultime défi de réconcilier l’armée togolaise et la population civile.
Les causes profondes d’un mal évident Les relations entre les populations civiles et l’armée n’ont guère été des meilleures.
Très complexes à l’image de l’histoire politique du pays. Intrusions fracassantes et répétitives dans la vie politique nationale, représailles, bavures de tout genre, tortures Les causes profondes de la dissension apparente, sur fond de méfiance, entre militaires et civils sont nombreuses.
La mise en place de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR), au lendemain de la signature de l’Accord Politique Global (APG), en 2006 entre les acteurs politiques, est plus qu’évocatrice de ce malaise que nul ne saurait ignorer. Une évidence qui se traduit par sa mission qui est de faire la lumière sur les actes de violence perpétrés par le passé et dont le bras opérationnel est malheureusement l’armée. Et plus loin, œuvrer à la réconciliation nationale, à la paix civile et à la stabilité.
Malheureusement, la réparation souhaitée de ce fait historique saignant dont la suite logique aura également été la création du Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) dont la mission est de procéder à la mise en œuvre des recommandations, puis à la réparation, n’aura été que de vains mots.
Face à la triste réalité, les initiatives n’ont manqué pour guérir le mal. Des millions sont déboursés chaque année, au travers de l’organisation des ateliers et colloques, manifestations sportives et culturelles et des séances de sensibilisation en faveur de la réconciliation entre militaires et civils. Maisalors…
Difficile cicatrisation du mal
Malheureusement, le mal qui, visiblement, refuse de se cicatriser, refait surface à la moindre étincelle. La gestion musclée du couvre-feu par les forces anti-covid, soldée par des morts, en est illustrateur.
L’usage excessif de la force par certains «éléments incontrôlés », malgré les consignes de la hiérarchie, débouchent le plus souvent sur des bavures aux conséquences désastreuses. En témoigne un récent rapport de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) mettant en cause la police togolaise dont la responsabilité est engagée dans la mort suspecte de deux présumés braqueurs le 28 juillet 2019 à Kanyikopé.
On se rappelle également le meurtre, en mai dernier, d’un jeune laveur de véhicules à Avédji, à Lomé, abattu par la police.
Face au tollé général suscité par ce drame, le gouvernement a, après avoir apaisé les cœurs, annoncé des sanctions disciplinaires contre le policier à la gâchette facile. C’est dire que le mal est réel, et connu jusqu’au sommet de l’Etat. Mais au-delà du constat, tout semble dire que le gouvernement ne baisse pas la garde dans sa volonté d’en trouver une solution.
Marguérite Essozimna Gnakadé…en réparateur ?
La question mérite d’être posée, d’abord partant de l’approche de Faure Gnassingbé
qui nomme une femme au ministère de la Défense. Marguérite Essozimna Gnakadé, comme pour non seulement marquer son territoire, mais aussi poser les jalons du recollage du tissu social, a initié depuis mardi dernier, des actions médicales gratuites dans trois régions du Togo.
Il s’agit des consultations foraines suivies de prise en charge des patients dans les régions des Savanes, Centrale et des Plateaux.
Conduites par la médecine militaire, avec le soutien des organisations onusiennes, ces opérations foraines toucheront des milliers de patients qui seront consultés et pris en charge pour de soins divers en médecine générale, notamment l’ophtalmologie, les hernies, les hydrocèles, la pédiatrie, la chirurgie et bien d’autres pathologies bénignes. Lancées à Mandouri, ces opérations, explique la ministre des Armées, Marguérite Essozimna Gnakadé, visent à de renforcer les relations civilo-militaires.
Voilà bien un geste dont le caractère salutaire et humain force estime et admiration. Fort appréciable, cette opération l’est encore plus non seulement parce qu’elle traite de la santé publique, mais aussi et surtout parce qu’elle est portée par les Forces Armées Togolai ses (FAT) qui mettent, en évidence, la médecine militaire en faveur des soins gratuits dans les populations civiles.
Mais alors, si nul ne peut rester indifférent face au caractère humain que revêt son initiative, l’on se demande, tout de même, si Marguérite Essozimna Gnakadé parviendra avec son instinct de femme, à soigner le mal en profondeur. Ceci, en réussissant à faire dissiper les préjugés et méfiances qui hantent, depuis belle lurette, les relations rendues tumultueuses entre l’armée togolaise et la population civile. Bien que cela soit le souhait de tous les Togolais, il est néanmoins trop tôt de crier victoire.
Qu’à cela ne tienne, l’on peut avouer que c’est un bon début. Même si l’opération n’est pas à ses débuts, la réorganiser avec plus de moyens pour une plus large vulgarisation constituera, sans nul doute, une des meilleures stratégies pour enfin parvenir à soigner les préjugés et rétablir la confiance entre les militaires et les civils. Et une femme aux commandes, c’est encore une aubaine et une raison d’y croire.
Flambeaux des démocrates