Agbéyomé Messan Kodjo. Les résultats officiels rendus par la Cour constitutionnelle le donnent en 2e position, avec un peu moins de 20% des voix, mais s’est autoproclamé « élu ». Certains diplomates lui ont apporté leurs soutiens. L’opinion lui est largement favorable. Régis Marzin, le meilleur spécialiste des élections en Afrique dénonce « une inversion des résultats ». Depuis menacé, l’ancien Premier ministre togolais qui a dû se cacher, préfère parler de « maquis » plutôt que d’exil. C’est dans son lieu de retranchement qu’il accorde cette interview à Afrika Stratégies France (Asf) et y livre tout. Avec l’humour qui l’a toujours caractérisé, mais surtout cette certitude que le bout du tunnel est proche. Entretien.
ASF : Aux antipodes des résultats officiels, vous avez annoncé votre élection, en tant que président de la République en février 2020. Vous ne jouissez pas du pouvoir. Vous êtes au maquis depuis. Que ressent un « président élu mais » qui, loin d’avoir accédé au pouvoir, se cache ?
Agbéyomé Messan Kodjo : Dès lors que le peuple vous a confié son destin, quoiqu’il advienne, vous portez l’onction populaire avec confiance et redevabilité. L’adversité de la vie nous confronte toujours à notre propre vulnérabilité et aux leçons de vie à prendre en compte. Le sentiment d’injustice par rapport au mépris du suffrage populaire avec la force des armes et de l’argent pour pervertir la réalité est là. Toutefois, j’ai pleinement confiance en Dieu quant à ma mission et l’accomplissement de Son Plan Parfait pour le Togo.
Vous aviez dit, dans un audio qui a fait du buzz, être dans un champ de maïs. Depuis, la récolte du maïs a eu lieu (Sourire). Comment vivez-vous votre maquis ?
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Le champ de maïs est une symbolique qui signifie que je suis à l’œuvre pour pourvoir à l’autosuffisance réelle et non incantatoire des Togolais au premier rang duquel figure le maïs. C’est dire qu’en pleine conscience de notre redevabilité, nous transcendons l’adversité pour combler les légitimes attentes du souverain peuple togolais. Nous travaillons résolument pour incarner les temps nouveaux avec une équipe compétente ayant à cœur la transformation du pays, le bonheur et l’épanouissement de nos populations. La foi et l’ardeur à la tâche des Patriotes adoucissent l’épreuve et me confortent quant à l’aboutissement heureux de notre mission de vie. Ce qui génère par-dessus tout de l’humour et la reconnaissance à Dieu qui m’a préservé la vie.
Comment le président Kodjo passe sa journée ? Que faites-vous concrètement au quotidien ?
Ma journée est celle d’un président de la République en exil, marquée par de multiples séances de travail et d’entretiens grâce aux canaux numériques. Je travaille beaucoup pour faire connaître la situation du Togo aux démocrates à travers le monde et je me réjouis que l’omerta sur le triple coup d’état électoral, militaire et diplomatique se lève dans les milieux qui assurent la gouvernance mondiale. Je prends autant que possible soin de moi et de mon entourage, et passe du temps à méditer et à prier afin d’être en alignement pour mieux réussir ma mission de vie.
Tantôt cru au Bénin, tantôt supposé vivant à Accra, parfois annoncé au Burkina Faso ou dans les brousses du Niger, ou au Vatican … Où est Agbéyomé Messan Kodjo ?
Je me cache sinon j’aurai connu depuis fort longtemps le sort de nos martyrs à l’instar des colonels Madjoulba et Bataba exécutés froidement parce qu’ils défendaient la vérité des urnes. Si le Prélat qui avait ses habitudes en raison de son âge a décidé d’élire domicile chez moi pour me servir de bouclier humain, c’est parce que le plan de mon élimination physique devrait intervenir dès la première convocation au SCRIC en mars 2020 selon des sources bien introduites. Comment peut-on interdire à un candidat qui a gagné une élection de ne pas réclamer sa victoire sous peine de prison ? Un contentieux électoral est criminalisé au point de me valoir un faux mandat international alors que je n’ai enfreint à aucune loi de la République.
C’est ici l’occasion de dénoncer une justice instrumentalisée et à deux vitesses. Certains violent allègrement au quotidien les lois de la République sans être inquiétés parce qu’ils sont du côté de ceux qui détiennent les armes, les moyens de coercition et de séduction ! Le dossier Adjakli et consorts est là pour nous le rappeler, tout comme le dossier des incendies des marchés de Lomé et Kara, et ceux qui sont convaincus de crime de sang et qui doivent passer aux assises sont blanchis par leur zèle et leurs coups fumants au service du statu quo, et de la dictature.
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Quelle est la plausibilité pour Agbéyomé Kodjo d’accéder un jour au pouvoir ?
Inévitablement nous allons récupérer la victoire historique du 22 février 2020. Ma seule conviction repose sur ma foi en Dieu. La Libération nationale du Togo est un décret divin et la révolution électorale et pacifique du 22 février 2020 participe inexorablement à la délivrance du Peuple togolais et la Véritable Indépendance du Togo. La Communauté internationale ne saurait rester indéfiniment sourde et muette sur autant de violations des droits humains et du droit international. Le Président de la CENI, les Chefs de mission de l’Union Africaine et de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest) auteurs du coup de force électoral sont dans les premières loges de la tragédie que vit encore le peuple togolais. Comment faire comprendre à un paysan de nos campagnes que Faure Gnassingbé a gagné le scrutin du 22 Février 2020 à 70% pour un quatrième mandat avec le bilan qui est le sien, sans paraitre ridicule ? Trêve d’infantilisation du peuple togolais !
Quelle relation entretenez-vous aujourd’hui avec Faure Gnassingbé ? Vous appelez-vous ?
Aucun lien direct entre nous. C’est mon jeune frère, j’ai du respect pour lui, mais je crois que le goût immodéré du pouvoir et sa conservation à tout prix l’a rendu fou au point où il a foulé aux pieds toutes les valeurs cardinales qui cimentent une communauté de vie. Après l’échec de ses émissaires auprès de ma personne pour un marché gré-à-gré des suffrages populaires sur le dos de la population, je lui ai passé un coup de fil pour demander un rendez-vous d’homme à homme pour trouver une solution à la crise ; il a promis me rappeler, ce qu’il n’a jamais fait. Et le pire est venu nous submerger avec le saccage de mon domicile suite à mon enlèvement brutal et aux voies de faits exercées sur ma famille et les Patriotes injustement incarcérés pendant quatre mois.
A savoir que certains sont devenus fous à la sortie de prison suite au traumatisme causé par la violence subie et les conditions de leur détention. Le plus pathétique est le traitement réservé à l’Archevêque Émérite qui, malgré son âge, a subi des violences physiques et morales.
Vous êtes à la tête d’un gouvernement en exil. Pourquoi une telle initiative alors que vous n’êtes pas encore vraiment au pouvoir ?
Est-ce ma volonté si mon pouvoir n’est pas encore territorialisé ? C’est fort de l’écrasante victoire du Peuple togolais que j’ai nommé un Premier ministre le 02 mars 2020, et formé par la suite le gouvernement de combat en exil pour faire triompher la cause du Peuple togolais au niveau international. Le bicéphalisme politique dont vous vous plaignez provient donc du coup d’État électoral orchestré par le pouvoir sortant. Je me réjouis du travail énorme qu’entreprend au quotidien mon gouvernement pour l’aboutissement heureux de la lutte citoyenne et patriotique de Libération nationale du Togo.
Vous aviez, pendant la campagne, promis de prendre le pouvoir à midi si vous êtes élu le matin. 1 an après, vous êtes en exil. Est-ce une forme d’échec ?
Il faut savoir raison gardée. Vu l’ampleur des résultats à midi, l’Alternance était réalisée. Et comme l’affirmait une personnalité politique de l’opposition à propos de la présidentielle du 22 février 2020, Fo Gabi n’a pas seulement gagné, il nous a écrasés tous et s’est couché sur nous. Il y a eu trois aléas que nous avons sous-estimés : le déploiement disproportionné de la violence sur le Président démocratiquement élu, les membres de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) et les populations, l’inertie de l’opposition après sa levée de boucliers appelant les populations à défendre la vérité des urnes, et l’instrumentalisation de la crise sanitaire au coronavirus.
Au Togo, pendant ce temps, les scandales se succèdent. Après le pétrolegate, le Bollorégate. Pourquoi cet enchainement de scandales alors que Faure Gnassingbé ne dit rien ?
Il faut aller lui poser la question. Il connait mieux les dessous de ces scandales à répétition que quiconque. Le contenu du pacte de corruption avec Bolloré, les Cinq Cents milliards soustraits de la caisse de péréquation sur les produits pétroliers par ses hommes de main, les recettes de l’exportation du pétrole off-shore togolais, les retombées du marché noir du pétrole dans le bassin portuaire de Lomé, l’exploitation clandestine du diamant, de l’or, de l’émeraude et autres minerais rares, la liste des préjudices au Trésor public risque d’être longue.
Cela dénote aussi que Faure Gnassingbé considère qu’il n’a aucun compte à rendre à qui que ce soit, car il tient son poste non pas par la volonté populaire, mais par la puissance de son armée, sa capacité à corrompre et aux réseaux extérieurs qui écument l’économie du pays. C’est pathétique, mais c’est bien la kakistocratie dans toute sa flamboyance sur la Terre de nos Aïeux !
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Expliquez-nous ce qu’est exactement le Bolloregate…
Tout est parti le 26 janvier 2010 quand par décret, Faure Gnassingbé donne de gré-à-gré la concession du Terminal à conteneurs à Vincent Bolloré à la veille de l’élection présidentielle du 4 mars 2010. Certains milieux français avaient convaincu Faure Gnassingbé que sa réélection était subordonnée à la signature d’un tel contrat avec l’industriel français pour garantir sa prochaine victoire. Le Groupe Havas sera mobilisé avec des hommes de l’ombre pour tripatouiller les résultats de la présidentielle et faire triompher la cause de l’homme du 5 février 2005 contre la vérité des urnes.
Dans la nuit du 4 au 5 mars, en raison des chiffres qui nous étaient parvenus, j’ai déclaré Jean-Pierre Fabre vainqueur du scrutin, et ai lancé par un communiqué de presse l’appel au Peuple togolais à défendre sa victoire. C’est ainsi que je m’étais investi dans de nombreuses démarches pour le rétablissement de la vérité des urnes, d’où la mise sur les fonts baptismaux du Collectif pour la vérité des urnes (CVU). Cet engagement patriotique m’a valu plusieurs représailles au plan personnel et la dissolution de ma formation politique Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire (OBUTS) pour entre autres raisons le refus de m’associer à la gouvernance d’un pouvoir issu du trucage.
Le Contrat de Bolloré prévu pour une validité de 10 ans fut prorogé à 35 ans après la frauduleuse victoire de Faure Gnassingbé à la demande de l’industriel français, pour être conforme à la durée du contrat accordé à Lomé Container Terminal (LCT) fixée à 35 ans. Nous reviendrons sur les scandales qui entourent ce Terminal qui nourrit mensuellement une liste de personnages insoupçonnables. Du reste, j’ignore les éléments structurant le pacte de corruption entre Faure Gnassingbé et le Groupe Bolloré. Il y a donc une absurdité dans ces contrats au long cours qui portent gravement préjudice au Peuple togolais. Nous réexaminerons tous ces contrats le moment venu dans l’intérêt supérieur du Peuple togolais.
Vous étiez candidat en 2010. La justice française estime que Vincent Bolloré a pu influencer sur le résultat du scrutin et par ricochet, la souveraineté du Togo. Qu’allez-vous faire ?
J’ai donc intérêt à agir et ai instruit Me Alexis Ihou, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et de la promotion de l’État de Droit du Gouvernement de combat (Gouvernement en exil de Kodjo, Ndlr), à défendre mes intérêts en se constituant partie civile auprès du Tribunal Judiciaire de Paris.
Qu’est-ce que la DMK pense faire pour accompagner le procès qui se déroulera dans les prochains mois en France ?
Nous nous sommes engagés à apporter toute notre contribution pour la manifestation de la vérité et rétablir le Peuple togolais dans ses droits légitimes.
Faure Gnassingbé, supposé corrompu dans ce dossier, se rend en France en avril. Que pensez-vous de cette invitation de Macron ?
Je crois que la vocation de l’Élysée n’est pas de servir de caution aux Chefs d’État prédateurs des libertés et des ressources de leur pays, coupable de coup d’État électoral grevé de scandale diplomatique déshonorant la France et l’Union Européenne. Certes les pays n’ont que des intérêts, mais je ne doute point que ce qui ternirait davantage l’image de la France de Réné Cassin prévaudra sur l’éthique républicaine et le droit international.
Dans le cadre de ce voyage, Sébastien Nadot, un député français qui se bat contre la politique africaine de la France s’organise pour empêcher ce voyage. Y parviendra-t-il ?
Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais une telle visite souille le sol français et constituerait un précédent dangereux pour l’avenir des relations entre la France et ses partenaires de l’Afrique de l’Ouest. Je ne sais pas si c’est le séjour de ses envoyés spéciaux à Paris qui lui ouvre les portes de l’Élysée. Une chose est sûre, des initiatives contre cette visite officielle sont en cours et attendons de voir !
Dans quelques mois, que se passera-t-il avec la DMK ? Est-ce déjà la fin de l’aventure ?
L’état de Résistance nationale a été lancé à partir du 15 mars 2021 et la désobéissance civile suivra l’évolution des événements sur le territoire national. Des jours mouvementés sont devant nous et la DMK ne lâchera rien jusqu’au triomphe de la lutte citoyenne et patriotique de Libération nationale avec le transfert pacifique du pouvoir à qui de droit. Les Américains ont reconnu notre victoire, et les Européens se doivent de faire respecter le droit des peuples et le droit international.
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La DMK prendra-t-elle part aux élections intermédiaires ? Régionales notamment ?
Je vous ai dit que nous allons récupérer notre victoire et on définira les missions prioritaires à accomplir pour l’épanouissement du Peuple togolais qui gît dans une prison à ciel ouvert depuis plusieurs décennies. Le cap devant nous demeure l’implémentation du triptyque Transition-Constituante-Refondation !
Une dernière question. Comment se porte Mgr Kpodzro ?
Il se porte comme un jeune homme de 30 ans et attend à l’instar de Siméon de voir de ses propres yeux la matérialisation du décret divin de délivrance du Peuple togolais. Garant de la vision prophétique du Togo, il est très combatif pour la récupération de la victoire du 22 février 2020 et l’avènement glorieux du Togo « Or de l’Humanité ».
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